J'étais dans le château de mes parents. Immense demeure aux couleurs du ciel et des étoiles, il avait été bâtis pour ma mère avant de devenir cet endroit si précieux à mes yeux.
C'est ici que j'avais vu le jour, que j'avais grandis et que je m'étais élevée.
J'avais joué avec ma mère tentant vainement d'attraper les astres si changeants. Quelquefois mon père nous rejoignait et se prêtait au jeu.
Le reste du temps nous profitions simplement de cet instant mère-fille.
Je pouvais me souvenir aussi de ce temps si lointain où je jouais sur les genoux de mon père si peu pressée d'affronter le monde.
De ces instants d'enfance, il ne me reste que les souvenirs. Des bons souvenirs.
Ma vie d'adulte avait été nettement plus compliquée.
Les premières disputes. Les premières réconciliations.
La certitude que mon père, malgré son air renfrogné, tenait profondément à moi.
Puis vinrent les désillusions. Nombreuses et toutes ensembles faisant un front uni pour m'ouvrir les yeux, m'apprendre la noirceur du monde. Et celle de mes propres géniteurs bien sûr.
La plus cruelle et la plus décisive de toute avait eu lieu il y a de cela quelques siècles.
Une dizaine. Une centaine. Peu importe.
Mais la blessure était présente, invisible, masquée par mes sourires, mes faux-semblants, mes prétextes pour ne plus assister aux orgies de ces rois.
Je ne pouvais même pas défendre mes parents. Ils étaient comme eux.
Les pleurs de la mère envahirent mon esprit bien décidés à me rappeler cette horrible soirée.
Ma première soirée parmi les titans d'ailleurs.
J'entends mon père féliciter Chronos pour son nouveau-né. Je l'entends le féliciter pour son prochain repas.
Et les pleurs de la mère derrière.
Chronos n'a pas voulu de musique. Ce seul son, cet abominable bruit était un si doux murmure à ses oreilles.
Les pleurs tandis que l'on apportait l'enfant.
Les pleurs quand on l'approcha de son père.
Et les pleurs de la mère derrière.
Les images suivantes ne virent pas. J'étais présente pourtant, je savais ce qui s'était passé. Mais le film de mes souvenirs était coupé ici comme une tentative de mon esprit de se protéger.
Mais il était trop tard.