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| Danse au clair de Lune [pv Eros] | |
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Orphée Date d'inscription : 15/04/2013 Messages : 358 Crédits graphiques : Nikolaos Gysis Double compte : Non Feuille de personnageAttaque: 2Défense: 7 | Sujet: Danse au clair de Lune [pv Eros] Dim 21 Avr 2013 - 13:50 | |
| Edit Atalante : forêt
La soirée était déjà bien entamée et cela faisait plusieurs heures que je jouais parmi les nymphes et les satyres. Ma qualité de joueur de lyre m’avait garantie d’être accepté assez rapidement et sans me vanter, je pense que c’est même ma présence qui avait déclenché la fête. Je m’étais assis contre un arbre en milieu d’après-midi, comme à mon habitude, et une dryade n’avait pas tardé à faire son apparition, suivie apparemment d’autres amis. J’avais joué pour leurs danses, et chanté pour leurs oreilles, et quand la nuit était tombée, la Lune était si haute et si ronde que l’on put continuer ainsi à s’amuser.
J’appréciais beaucoup leur compagnie, et je crois qu’ils m’appréciaient aussi, et bientôt nos discussions se transformèrent en jeu ou chacun notre tour nous devions raconter une anecdote ou un mythe célèbre sur les dieux. J’accompagnais le conteur de ma lyre, en essayant d’adapter ma musique au récit. Les satyres avaient ramené du vin (je me demandais bien comment ils se l’étaient procuré) et nous nous échangions les outres pleines joyeusement. Les épices et l’alcool me montaient à la tête et me grisaient, je ne percevais de la fête qu’un tourbillon de fleurs, de rires, et d’histoires folles, et je me pris à l’ivresse.
Un satyre à la crinière auburn racontait la naissance d’Aphrodite, puis une jolie nymphe brune enchaîna sur Apollon tuant Python. Les mythes apparaissaient de toutes parts, dansaient devant mes yeux avant de s’évaporer dans l’air. Ma propre musique m’enivrait encore plus que le vin, c’était comme si j’étais devenu double, d’une part le musicien, d’autre part celui qui écoute.
Une couronne de fleur recouvrait mes cheveux, j’ignorais qui me l’avait tressé, mais de loin, on aurait définitivement pu me prendre pour un membre de ce groupe étrange et qui d’habitude ne se mêle pas volontiers aux simples mortels. Peut-être est-ce ce constat qui m’enhardit, et, comme ce fut la première histoire qui vint à l’esprit lorsque ce fut mon tour, je commençais à conter les déboires d’Arès et Aphrodite. Je m’arrêtais finalement, un sourire malicieux aux lèvres, au moment où ils se retrouvent piégés sous le filet d’Héphaïstos. Le poème n’était pas spécialement railleur, mais il faut dire que la situation prêtait au rire, et je ne fus pas le dernier à m’en apercevoir. Quelques nymphes gloussèrent et les satyres éméchés laissèrent échapper un rire franc et bruyant. Je n’avais nullement l’impression d’avoir blasphémé ou d’avoir insulté les dieux, après tout, l’histoire était véridique non ?
Petit à petit, comme la nuit avançait, mes compagnons disparurent et je restais seul à contempler la Lune et les étoiles au-dessus de moi. Tout me semblait calme désormais, et j’étais presque effrayé d’être isolé dans une si grande forêt, où l’on pouvait trouver différentes forces mystérieuses. Néanmoins, le sommeil s’infiltra petit à petit dans mon esprit et je plongeais.
Un songe étrange me vint alors, j’y croisais des statues de nymphes et de dieux qui se riaient de moi sans bouger, et les nymphes que j’avais vu la veille se transformaient en hideuses créatures terrifiantes qui me pourchassaient, me destinant à quelque fin funeste. Je les pris d’abord pour les Érinyes, mais elles étaient bien plus de trois et je me couvrais le visage de mes bras pour éviter qu’elles me le lacèrent, tandis que les coups pleuvaient sur mon dos nu. Je fus heureusement éveillé par la lumière du jour sur mon visage, et je me remis bien vite de ce mauvais rêve.
Je ne me sentais pas très bien, et je mis cela sur le compte de l’alcool que j’avais bu hier soir. Je décidai donc de remettre mon petit déjeuner à plus tard et de me mettre à marcher. Voyant qu’il restait des fruits étalés sur les lieux des danses nocturnes, j’emportais une grappe de raisin avec moi et je me relevai péniblement. Mon dos était raide et courbaturé, mais je m’étirai, espérant que cela passerait. Le soleil était déjà haut dans le ciel et la matinée devait être bien entamée, aussi je préférais ne pas rester dans le coin, car je n’avais pas spécialement envie de croiser des témoins du banquet qui aurait pu m’en rappeler des événements désagréables : je ne me souvenais en effet pas de grand-chose.
Comme je progressais parmi les troncs, j’avais l’impression de ne pas être seul, mais ici les arbres avaient des yeux et les buissons des oreilles, aussi je ne m’en formalisais pas trop, s’il y avait quelque chose d’agressif en ces lieux, je l’entendrais grogner bien assez vite. Je rejoignis tout de même le sentier que j’avais emprunté la veille, car il était plus fréquenté et cela m’empêcherait d’être inquiet au moindre bruit ou murmure. J’étais un peu nauséeux, et j’avais la tête dans les nuages, décidément, il ne valait mieux pas que je recommence les délires bacchiques du genre. Mon humeur même en avait été altérée, je me sentais taciturne et agacé, sans doute par mes maigres maux physiques.
Dernière édition par Orphée le Sam 14 Sep 2013 - 18:00, édité 1 fois |
| | | Invité Invité | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Dim 21 Avr 2013 - 21:45 | |
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- Maudit mortel, maudit, maudit ! Je te maudis ! Que le bras embrasé d’Hadès t’entraine dans les Enfers et que ta souffrance s’éternise à jamais ! Je te maudis !
Eros se boucha les oreilles en levant les yeux au ciel, bien qu’il se trouvât déjà en son sein. Lorsque sa mère se lançait dans ses tirades incendiaires, ce qui arrivait trop souvent, il s’enfuyait la plupart du temps. Mais aujourd’hui, la voix d’Aphrodite était si sonore et fulgurante qu’elle traversait les plus épais nuages et gagnait chaque bout de l’Univers. Il était rare que sa mère criât sur lui, mais ses éclats de voix n’en demeuraient pas plus supportables. Qu’il s’agisse de lui ou d’un autre, le silence était aussi troublé.
Eros n’aimait pas quand sa mère s’énervait de la sorte, car les nuages qui encerclaient leur petit palais céleste devenaient gris. Cela rendait le paysage lugubre et menaçant. Antéros, son frère, demeurait près d’Aphrodite, écoutant impassiblement ses injures répétées. Qu’il était agaçant ! Ainsi droit et statique, tout aux ordres de leur mère, respectant même ses délires capricieux de déesse arrogante. Et dire que lui, son grand petit frère, si mûr, si juste, si mesuré, était censé le faire grandir ! Il n’avait pas besoin de cela pour grandir. Il n’avait besoin de rien, et sûrement pas de ce vacarme assourdissant.
Et heureusement, par miracle, Aphrodite finit par quitter leur demeure pour rejoindre il ne savait quelle compagnie. Antéros la regarda s’éloigner dans les cieux sans exprimer le moindre signe de soulagement. Digne jusqu’à la fin. Eros le rejoint derrière la fenêtre et observa la silhouette nacrée de leur mère disparaitre dans l’horizon.
- Qu’a-t-elle ? demanda-t-il. - Touchée à l’orgueil, déclara gravement Antéros. La pire des blessures pour une déesse comme elle…
Antéros avait toujours l’air grave. Même son sourire était empreint de sérieux. Il était né après Eros mais le dépassait bien d’une tête. Il ne faisait aucun doute que les deux garçons étaient frères, pourtant de grandes différences les distinguaient. L’éclat des cheveux d’Anteros était plus terne, tout comme celui de ses yeux presque gris. Sa peau était tout aussi blanche mais moins lumineuse. Il était aussi plus grand, plus développé que son frère, malgré qu’il fût né après lui. Mais leur plus grande distinction était leurs ailes, celles d’Antéros étaient plus petites, plus repliées, plus sombres, tandis que celles d’Eros étaient larges et chatoyantes. Lorsqu’Eros changeait d’apparence, comme celui lui arrivait parfois, et qu’il devenait un tout petit enfant, Antéros changeait aussi. Pourtant, cette solennité ne le quittait pas.
- J’avoue être blessé moi-même, ajouta-t-il.
C’était bien rare que le jeune dieu se confie de la sorte. Il restait le regard dans le vague, l’air vaguement contrarié.
- Pourquoi ? - Cette affaire ne concerne pas que notre mère. Cela me concerne, autant que toi d’ailleurs.
Il marqua une pause et reprit :
- As-tu entendu parler d’Orphée ? - Orphée ? Non. - C’est un mortel… Beau et insouciant comme la jeunesse. Un musicien. - J’aime les musiciens. - Je sais, mon frère, je sais. Celui-ci a défié notre toute-puissance, cependant… - Il a défié les dieux ? s’écria Eros, ébahi. - Non, pas exactement. Eros…
Antéros se tourna vers lui et planta son regard gris perle dans les yeux bleus de son frère.
- Tu sais le mystère qui entoure notre naissance.
Eros ne dit rien.
- Nous ne sommes pas les fils d’Héphaïstos. Comment pourrions-nous l’être ? … Notre mère n’est pas une épouse parfaite, hélas. Notre mère a des plaisirs de mortels, comme tous les dieux. Mais tu le sais, n’est-ce pas, Eros ? - Oui. - Aphrodite n’est pas allée dans la couche d’un seul homme. Et tout l’Olympe le sait. Tu sais bien que ce que l’Olympe sait, le monde d’en bas ne tarde pas à le connaitre. - Je n’y comprends rien. - Eros, l’adultère de notre mère est connu de tous, à présent. Et Orphée vient d’en chanter la disgrâce. - Qu’… Qu’est-ce que cela veut dire ?
Eros s’écarta légèrement de son frère, comme s’il craignait d’être trop approché par ses révélations.
- Cela veut dire qu’un mortel s’est moqué de notre mère. Et a rappelé aux hommes notre statut d’illégitimes.
Le rouge lui montait aux joues. L’orgueil d’Eros était presque aussi étendu que celui de sa mère. Il ne supportait pas qu’on le raillât, encore moins au sujet de sa conception. La douleur était un sentiment que le petit dieu évitait si souvent qu’elle devenait insupportable lorsqu’elle surgissait ainsi. Et, le seul moyen qu’il connaissait pour la soulager, le seul moyen qu’on lui eût jamais appris, était la vengeance. Le visage toujours empourpré, il saisit son arc et ses deux carquois, celui des flèches d’or et celui des flèches de plomb, avant de filer dans les airs aussi vite qu’une comète.
Eros ne savait pas réfléchir. Il ne connaissait ni la patience ni la mesure. Il voulait arracher la tête de ce mortel prétentieux pour se soulager, renverser l’offense. Eros était un dieu, il avait le pouvoir de vie et de mort, même si ce n’était que la mort du cœur. Et, finalement, n’était-ce pas la pire de toutes ?
Ce fut le son d’une lyre qui attira son oreille dans la direction d’Orphée. Ses sens divins lui permettaient de retrouver ce qu’il cherchait assez aisément, bien que la colère pût parfois les perturber. La source de la mélodie venait d’une forêt dense et vivace qu’Eros connaissait un peu. Il survola la cime des arbres en plissant les yeux, cherchant parmi les arbres une silhouette humaine. Mais ce fut cette musique, cette musique qui s’envolait et remplissait le ciel d’une manière si pure, qui vint à lui en premier. Malgré toute sa fureur, il ne parvenait pas à rester insensible à ces notes aussi gracieuses que la danse des nymphes, aussi profondes que le cosmos, aussi hypnotisantes que les chants des sirènes. C’était insoutenable d’être aussi transporté par cette musique, trop belle, trop forte.
Eros s’approcha très délicatement d’un arbre. Il se posa sur une branche toujours silencieusement et tendit l’oreille. La mélodie était toute proche. Contre l’arbre, Eros aperçut une silhouette adossée, une longue silhouette aux boucles brunes. Le jeune homme tenait dans ses mains une lyre, qui accompagnait sa mélopée. C’était beau. Eros sentit sa rage s’évaporer doucement, comme de l’eau de pluie. Il était paralysé et en pleine confusion sous l’effet de cette voix. Mais la voix finit par s’éteindre, s’évanouir tout doucement. Eros resta un instant perché sur son arbre à la manière d’un enfant-oiseau, écoutant le silence. Le garçon se leva et son visage apparut aux yeux d’Eros. Il était beau.
Orphée leva la tête et le vit lui. Son expression se figea en découvrant ce qui ne pouvait qu’être un dieu. Eros se mit debout, digne et fermé, l’air était toujours aussi chargé de silence. Eros se sentait mal ainsi découvert, le malaise le submergea tandis que le souvenir de l’affront d’Orphée revenait dans sa mémoire. Dans un geste presque sauvage, il attrapa une de ses flèches de plomb, noires et froides, et la tira en direction du thorax d’Orphée. Son mouvement fut si vif, si aérien, que le mortel n’avait rien eu le temps de comprendre. La flèche traversa sa poitrine et condamna son cœur. Tout s’était déroulé en une seconde.
Quelque chose mourut dans les yeux d’Orphée. Eros lui esquissa un sourire méchant.
Dernière édition par Eros le Sam 21 Sep 2013 - 19:19, édité 2 fois |
| | | Orphée Date d'inscription : 15/04/2013 Messages : 358 Crédits graphiques : Nikolaos Gysis Double compte : Non Feuille de personnageAttaque: 2Défense: 7 | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Dim 28 Avr 2013 - 12:28 | |
| J’étais las de marcher, je tenais rarement longtemps, car cela m’ennuyait, et à la moindre envie de chanson, je ne résistais pas à m’arrêter pour jouer. Comme j’estimais que j’avais suffisamment avancé pour la matinée, et que les arbres étaient de plus en plus espacés, je décidai de faire une pause. Je remarquais un splendide chêne, au pied duquel la mousse formait un tapis. Je m’éloignais alors du chemin sur lequel je me trouvais pour le rejoindre et je m’assis confortablement contre son tronc. Je commençais alors à conter pour moi-même et quelques oiseaux l’histoire d’un homme qui avait supplié Hermès de lui offrir des ailes afin qu’il puisse rejoindre celle qu’il aimait. Hermès, ému, lui avait a exaucé son souhait, et l’homme était parti vers les étoiles, car c’était là que se trouvait son aimée qui avait été accrochée là par le Ciel lui-même. Personne ne l’avait jamais revu et on supposait que c’était désormais là qu’il vivait. L’histoire n’était peut-être pas véridique, et je ne savais si je l’avais entendue auparavant ou bien inventé, cela m’arrivait souvent de mélanger les deux hélas.
Comme j’avais terminé ma musique, je me levais quand je perçus un mouvement dans l’arbre. Levant la tête, je vis un étrange « garçon », si lumineux et beau que je n’eus aucun mal à comprendre son origine divine. Il portait un arc et un carquois et avait une paire d’ailes magnifiques… J’étais très probablement en face d’un rejeton d’Aphrodite elle-même ! Bouche bée, je ne compris pas bien ce qu’il se passait, et j’eus à peine le temps de le voir attraper une flèche qu’une douleur sourde me fit tomber à terre.
Pendant quelques instants j’eus l’impression que ma poitrine brûlait, que mes membres s’en détachaient, et ma vision se fit trouble. Tout cela se déroula en une fraction de seconde mais ma souffrance me parut infinie sur le moment, et quand je pus de nouveau bouger, j’avais la sensation qu’on venait de m’arracher le cœur. Sous l’action de la douleur, des larmes étaient apparues aux coins de mes yeux, mais je les retins et je regardais d’un air stupéfait le petit dieu, qui avait l’air très fier de lui. Qu’avais-je fait pour mériter cela ?
Je me relevais avec peine, mais je n’avais presque plus mal. Je regardais mon torse, il n’y avait nulle tache de sang… Que m’avait-il fait ? Je fus presque soulagé de voir que je n’étais pas blessé, mais j’avais une boule au ventre car je savais qu’une arme divine portait toujours un coup. J’essayais de faire le point sur ce que je savais, sur mes impressions mais tout m’échappait, car une sensation de vide menaçante m’envahissait. Le paysage que j’avais trouvé si beau et gai n’était plus qu’un simple décor répondant au nom de « forêt ». Mes yeux balayèrent le sol et alors je compris.
Mon regard s’était posé sur ma lyre sans que je m’en aperçoive, et l’instrument ne ressemblait désormais qu’à un simple morceau de bois ciselé, et je sus ce que petit dieu m’avait pris. Ma musique. Je ne parvenais même pas à en être attristé, c’était un simple constat. Je n’étais plus qu’une enveloppe de chair comme une autre, et ma raison d’être était détruite, mais je ne POUVAIS pas en ressentir de la douleur. Il me semble que ce mal était encore plus insupportable. Mes sentiments, mes émotions m’avaient jusqu’ici guidés pour mes chansons, ils avaient toujours été une part de moi, j’avais appris à apprécier la tristesse pour mes mélodies, mais ce ne serait certainement pas elle qui aurait dû me manquer le plus… Où donc était ma joie ? Je ne souriais plus. J’étais vide. Et peut-être à jamais.
La seule chose éveillait encore mon âme était l’interrogation, aussi, je me tournais vers le dieu et lui demandais :
- Tu es Eros n’est-ce pas ? Pourquoi ? Pourquoi as-tu fait cela ?
Je n’étais même pas en colère. J’aurai dû hurler, peut-être même me lacérer le visage, mais rien de tout cela n’arrivait. Qu’étais-je sans ma lyre ?
- Qu’as-tu fait de moi …
Ce fut la dernière phrase que je parvins à articuler clairement…
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| | | Invité Invité | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Mer 1 Mai 2013 - 21:55 | |
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- Pourquoi as-tu fait cela ?
La phrase résonnait dans les oreilles d’Eros, qui vibrait de tout en son être en voyant cet homme se défaire, de désintégrer de l’intérieur à mesure que l’éclat de ses yeux s’éteignait comme la flamme d’une bougie. C’était cruel et impressionnant, car ses actes et leurs conséquences étaient toujours à son image. Ce qui le désempara le plus, ce n’était pas la détresse d’Orphée, c’était sa confusion, son incompréhension totale face à ce qu’il venait de subir. Eros préférait quand ses victimes voyaient directement le signe d’une vengeance ou d’un châtiment divin. Orphée, dans une innocence presque enfantine, n’était ni dans les regrets ni dans la colère, il était simplement désemparé, il ne comprenait pas. Pourquoi. Eros restait droit et fixe, debout sur son arbre comme un oiseau funeste qui le surplombait de toute sa hauteur. Il tenait toujours dans ses doigts crispés son grand arc doré, arme redoutable de son propre destin, celui qu’il infligeait aux autres plus qu’à lui-même. Son visage était dur, ses lèvres serrées, son regard bleu inflexible. Une cruauté rare émanait de chaque partie de lui. - Qu’as-tu fait de moi… On aurait dit qu’Eros lui avait insufflé un poison mortel, qui le consumait à petit feu. Cet effet dévastateur le rendait fier en même temps de l’effrayer, car d’ordinaire, ses victimes ne réagissaient pas aussi brutalement. Est-ce qu’il allait mourir ? Pour se tranquilliser, il se remémora le souvenir de l’affront d’Orphée à son égard et celui de sa mère. Cette offense ranima une colère sourde en lui qui suffit à apaiser les prémices de remords qu’il sentait affluer aux abords de son âme. Il l’avait bien mérité. Il quitta la branche d’arbre et lévita en faisant lentement battre ses ailes, s’approchant très légèrement du visage défait du musicien. Il dit alors d’une voix théâtrale : - Que cela te défie de te moquer encore des dieux ! Abandonnant le jeune homme à son sort, il fila dans les airs en perçant les nuages. * * * - Je lui ai réglé son compte, à cet arrogant ! s’exclama-t-il fièrement en pénétrant dans le palais. Antéros était toujours là, observant les cieux de son regard pâle. - Vraiment ? A-t-il souffert ? - Pas qu’un peu. - Est-il mort ? - C’était tout comme. - Mais alors, qu’as-tu fait ? Eros se planta devant lui et lui adressa l’un de ses regards brillants de malice. - Mère sera enchantée. Une de mes flèches de plomb a fait son affaire… - Une flèche de plomb dans son cœur ? C’est là ton châtiment ? - Bien sûr ! N’est-il pas assez terrible ? Je peux tout aussi bien le tuer, mais alors il n’aurait pas le temps de regretter. - C’est que… J’ignorais qu’Ophée fut amoureux de quelqu’un. - Il ne l’est pas. - Tu veux dire que tu l’as empêché de l’être ? Il y avait donc une jeune fille - ou un jeune garçon – dans la forêt avec vous ? - N… Non il n’y avait personne mais… L’attitude d’Antéros plongeait à nouveau Eros dans une grande confusion. Il ne voyait pas bien où il voulait en venir et pourtant, la suite l’inquiétait déjà. - Que veux-tu dire, à la fin, Antéros ? - Je ne sais pas, mon frère, c’est simplement que je me demande quel effet ont tes flèches de plomb sur une personne qui n’est amoureuse de personne. - Lorsqu’Orphée rencontrera l’amour, il sera incapable d’y répondre, car j’ai fermé son cœur à jamais, comme l’on ferme un coffre à clef ! - Mais suppose qu’Orphée soit amoureux de quelqu’un sans que tu ne le saches. - Oh non… Tu sais, ce mortel, rien d’autre ne l’intéresse à part sa musique… - Oui. On ne peut certes pas être amoureux de la musique. N’est-ce pas ? * * *
La nuit-même, Eros fit un rêve abominable, dans lequel il n’était plus capable d’entendre la musique. Il percevait les sons de la nature, les paroles des dieux, les cris des enfants. Mais chaque fois qu’une mélodie s’élevait dans les airs et qu’il voyait les autres se laisser transporter par elle, ses oreilles devenaient hermétiques et condamnées. Il était si troublé au réveil qu’il quitta le palais céleste avant même qu’Hélios eut fini sa course dans le ciel. Orphée, il fallait le retrouver, sans se montrer. Juste pour être sûr. On ne peut certes pas être amoureux de la musique. N’est-ce pas ?
Dernière édition par Eros le Mar 23 Juil 2013 - 13:35, édité 4 fois |
| | | Orphée Date d'inscription : 15/04/2013 Messages : 358 Crédits graphiques : Nikolaos Gysis Double compte : Non Feuille de personnageAttaque: 2Défense: 7 | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Ven 17 Mai 2013 - 22:04 | |
| Je ne me rappelais que très mal de ce qu'il s'était passé une fois que le petit Dieu eut disparu. J'étais probablement resté à ma place, à moitié conscient, à encaisser ce qui m'avait semblé être un choc. Puis je m'étais relevé, et je m'étais mis à marcher, sans penser. J'avais pris ma lyre par automatisme, mais l'instrument me semblait d'une inutilité peu commune dans ce bois. Enfin, je pourrais toujours m'en servir pour me défendre si je venais à être attaqué, mais j'aurai préféré un bâton plus solide.
Je savais qu’Éros m'avait ôté quelque chose, mais lorsque j'avais repris mes esprits, j'avais presque oublié quoi. J'étais un poète et alors ? Pourquoi passer tant de temps oisif à se contenter de musique et de mots ? Je ne me comprenais pas moi-même. Ce devait être ennuyeux, comme tout le reste.
Tout était gris, terne, comme mon oubli qui recouvrait tout le reste. La joie était devenue une notion étrangère, et je ne comprenais pas le sens même du mot musique. Il ne restait pas rien, non, il restait le vide. Un vide affreux, qui semblait me creuser, mettre ma chair à vif devant mes yeux sans que je ressente la douleur.
Je me senti las, et je me laissais tomber, plus que je ne m’assis. Le ciel était blanc, hideusement délavé. Ni soleil ni pluie. Un entre-deux intolérable et pourtant là, sans que je puisse lutter contre. Je me perdis dans ce paysage livide, mes yeux grands ouverts restèrent fixes à attendre la fin du jour. Peu à peu la lumière baissa, laissant place à un crépuscule argenté. Je ne me rendis pas compte que je m’endormais. Je ne rêvais pas, j’étais toujours perdu dans ce blanc fumeux, dans cette brume lointaine qui ne voulait pas disparaître de mes pensées.
Lorsque je m’éveillais, un soleil pâle éclairait d’une lumière blafarde la cime des arbres. J’avais froid. Le tissu bleu qui cachait ma nudité n’avait pas suffi à me réchauffer et je m’étais recroquevillé au pied de l’arbre sans parvenir à me réchauffer. Je restais longtemps ainsi, malgré la température, la mousse était confortable et mon esprit n’était pas encore bien affûté.
Je finis néanmoins par me redresser. Je m’étirais longuement. Mes cheveux s’étaient emmêlés pendant la nuit mais je n’y prêtais pas garde et je me mis en marche. Le sol était froid et humide, il étouffait le bruit que mes pieds nus produisaient à son contact. Tout était encore silencieux, même les oiseaux ne chantaient pas.
Je glissais dans le calme matinal comme une ombre, quand un tressaillement dans les buissons m’arrêta. Je n’étais pas inquiet, simplement stoïque et je me dirigeais vers ceux-ci, afin de voir ce qui s’y cachait. Alors que je m’approchais, une immense silhouette s’y dessina. Un lion gigantesque me faisait face. Ses yeux étaient bleus comme le ciel et son pelage immaculé. L’animal avançait dignement vers moi, mais le regard qu’il m’adressait ne me laissa aucun doute sur ses intentions : je risquais fort de devenir son déjeuner. Les troncs étaient peu espacés, et où que j’aille, ma retraite était fortement compromise. La seule solution que j’entrevis était de grimper moi-même à un arbre mais les branches étaient trop hautes, et même en admettant que je puisse sauter suffisamment haut pour en attraper une, la bête bondirait sur moi avant que je sois en sûreté.
Je reculais lentement, mon regard plongé dans les yeux glacés du fauve. Aussi étrange que cela puisse paraître pour un animal, il avait l’air serein, presque souriant, et je ne savais pourquoi. Allons ! J’avais déjà été confronté à de telles situations ! Qu’avais-je pu faire alors ? Je peinais à m’en rappeler…
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| | | Invité Invité | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Mer 29 Mai 2013 - 17:43 | |
| Eros volait depuis un certain temps, et même s’il ne ressentait aucun froid mordre ses muscles, le vent commençait à lui irriter la peau et les oreilles. Il avait aperçu au cours de son vol un groupe de nymphes des forêts s’amuser les yeux bandés, égayant la forêt de leurs éclats de rire mélodieux. Incapable de résister à la tentation, il les avait rejointes un moment, certain de son effet auprès des jeunes filles qui n’étaient guère accoutumées aux présences divines.
Après quelques jeux plus ou moins innocents, l’une des nymphes avait demandée :
- Et vous, jeune Eros, êtes-vous doué pour la poésie ?
Eros s’était redressé sur ses pieds, bombant le torse, et avait déclaré l’un de ses plus beaux poèmes. Qui fut accueilli par des applaudissements gracieux et des « ooh » d’admiration.
- Mais tout cela est bien mieux accompagné de musique, et d’ailleurs…
Le petit dieu n’eut pas le loisir de terminer sa phrase, car la simple évocation du mot « musique » lui rappela automatiquement le jeune homme dont il avait assombri l’âme quelques heures – à moins que ce ne fût quelques jours – auparavant. Reprenant conscience de l’urgence de cette affaire, il prit prestement congé de ses compagnes et regagna le ciel, étirant ses ailes au maximum. Jamais celles-ci n’avaient été aussi utiles. Ses sens affutés lui permirent de retrouver la trace d’Orphée sans trop de difficulté. Mais il perçut une toute autre chose également, qui n’avait rien à voir avec le jeune musicien. Un rugissement effroyable. N’écoutant que son courage – car tout au fond de lui, il en avait, assurément – Eros fonça vers l’origine du cri animal, ignorant les branches d’arbres qui le fouettaient au passage. Il s’apprêtait à retourner dans la forêt. Il ignorait si la bête avait attaqué un humain ou un animal, ou même si Orphée était en danger, mais il ne pouvait pas prendre le risque de le perdre. C’était trop tard, maintenant qu’il se sentait responsable de son sort. Responsable ! Voilà un mot qui sonnait étrangement – et même étranger – à ses oreilles.
Son intuition ne l’avait pas trompé. Un lion gigantesque et très impressionnant se tenait en plein centre de la forêt, ses lèvres noires retroussées pour laisser apparaitre des crocs menaçants. Sa proie, quelle qu’elle fût, n’avait aucune chance. Eros se percha à un arbre, dissimulé entre les feuilles comme il aimait le faire, pour apercevoir la victime choisie par le prédateur. Il craignait déjà que ce fût sa propre victime à lui, mais n’osait y songer trop fortement. Pourtant, la vision qui s’imposa à lui ne laissait plus de place au doute. Orphée se tenait à quelques mètres du lion, totalement figé, incapable du moindre mouvement. Il se mit à reculer lentement, sans cesser de fixer des yeux l’animal qui lui rendait son regard sans broncher. Son air digne et noble n’était pas plus rassurant que s’il s’était montré rageur et agressif. Au contraire, le lion le toisait l’air de dire « Je vais gagner, tu n’as aucune chance, nous le savons tous les deux ». Et il avait raison.
Ce fut à ce moment que la bête se jeta sur le jeune homme qui demeurait toujours aussi statique, presque morne. Eros émergea des branches et bondit sur le lion en calant ses pieds sur son dos et en tirant de toutes ses forces sur sa crinière. Le lion se mit à bondir et se cambrer comme un taureau, à présent fou de rage, tentant de se débarrasser de son parasite. Eros ne tiendrait pas longtemps. Et son statut de dieu ne le rendait pas totalement invulnérable. Il jeta un regard furtif à Orphée qui restait toujours aussi immobile. Mais que faisait-il, bon sang ??
- Joue ! hurla Eros de sa voix fluette mais forte. Joue de la lyre, qu’est-ce que tu attends ?!
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| | | Orphée Date d'inscription : 15/04/2013 Messages : 358 Crédits graphiques : Nikolaos Gysis Double compte : Non Feuille de personnageAttaque: 2Défense: 7 | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Mar 9 Juil 2013 - 21:38 | |
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J’étais perdu, c’était fini, et pourtant ce ne pouvait de terminer ainsi. Les restes de ma poésie s’agglutinaient autour de cette idée, et j’espérais encore une mort plus glorieuse et lyrique. Au moins la bête était magnifique et je m’accrochais à cette idée. Tandis que je m’apprêtais à accepter mon sort, un événement inattendu se produisit, si inattendu que je sursautais plus fort que ne rugit l’animal.
Au moment où le lion se jetait sur moi, une silhouette familière sortit des branchages pour se ruer sur le fauve. Je fus totalement abasourdi de voir mes deux bourreaux dans un affrontement mutuel et je restais béat et immobile, ne sachant que faire.
La réponse vint d’Eros qui me hurla de jouer, mais je restais hagard quelques instants. Je ne savais pas jouer !
- Eros ! Je… Je ne sais pas !
J’eus au moins la présence d’esprit de grimper à l’arbre, au le lion ne pourrait pas me rejoindre. Je criais à Eros de me rejoindre, afin qu’il se mette à l’abri, et il finit par abandonner le fauve. Je respirais difficilement, observant l’animal sauvage qui tournait en bas. La scène m’avait secouée, et je me sentais plus vivant, maintenant que j’avais approché la mort. Je me tournais vers le petit dieu.
- Tu es revenu… Pour m’aider ?
Je ne comprenais pas bien qu’il semble d’abord me vouer une haine féroce pour ensuite me tirer des griffes d’un prédateur. Ce dernier semblait d’ailleurs se désintéresser de nous, et il repartit paresseusement vers les profondeurs de la forêt. Je laissais de longues minutes s’écouler avant de sauter à terre.
Mes yeux se posèrent sur la lyre, et un accès de colère me prit. Je n’avais pas pu jouer à cause du dieu, il m’avait volé ma musique, volé mon art, volé mon âme ! J’attrapais l’instrument et me tournait vers Eros.
- Tu sais pourquoi je n’ai pas pu jouer ! Dis le moi ! Dis-moi pourquoi !
Et je tombais à genoux. J’étais incapable de me défendre, incapable de survivre sans cela. Je venais seulement de réaliser la part que la musique avait pris dans ma vie.
- Aide-moi… Je t’en prie…
Beaucoup d’hommes auraient préféré mourir que de se retrouver dans ma position actuelle que l’on aurait considérée comme dégradante. Mais je n’avais même pas honte de moi, pour avoir honte, il fallait se sentir coupable de quelque chose, perdre tout honneur, et mon honneur avait été arraché loin de moi. Il devait pourtant exister un moyen de retrouver ce que je cherchais !
- Spoiler:
Tout d'abord, désolé pour le temps que j'ai mis ! Et aussi, excuse moi d'avoir fait un peu bouger ton personnage, je ne voyais pas quoi faire sinon. J'ai fait un poste court pour te laisser de la marge de manoeuvre dans ta réponse.
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| | | Invité Invité | Sujet: Re: Danse au clair de Lune [pv Eros] Mar 23 Juil 2013 - 18:57 | |
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Lorsqu’Orphée descendit de l’arbre, Eros demeura un instant au creux des branches, surplombant de sa hauteur le jeune homme défait. Son teint était devenu cireux, ses traits tirés, son regard était vide. Eros, le visage toujours impassible, contemplait la déchéance de sa victime en tâchant de ne pas laisser la culpabilité infiltrer ses pores.
La voix chargée de détresse, Orphée ne cessait de l’interroger. Eros restait silencieux. Lorsque le souffle d’Orphée, coupée par la douleur, s’éteignit et qu’il vit l’homme s’effondrer, il se décida à rejoindre délicatement le sol. Repliant ses ailes, il fit face au musicien meurtri qu’il avait privé d'essence, et dit finalement d’un timbre plus grave qu’à l’accoutumé :
- Tu avais offensé ma mère.
Sa voix vibrait sous l’émotion, malgré qu’il tachait de la maitriser. Ce n’était pas tant l’évocation de l’affront qui le troublait, mais plutôt l’évidence de la blessure qu’il avait infligé à Orphée. Une blessure de l’âme.
- Sais-tu ce que je suis ? Je suis un dieu. On n’offense pas les dieux. Si… S’il s’était agi d’Arès ou de Poséidon, tu serais mort ! Mort pour de vrai !
Eros savait bien qu’il existait plusieurs façons de mourir. Ou plutôt : d’être mort. Il savait que, d’une certaine façon, Orphée n’était plus en vie. Mais il espérait qu’en évoquant l’idée de mort véritable, son sort lui paraitrait moins tragique. Oh, ne jugez pas trop sévèrement ces tentatives maladroites, Eros n’était que peu habitué à connaitre de tels tourments.
Il s’approcha d’Orphée, tendit sa main afin de lui toucher l’épaule, et se ravisa au dernier moment. Il se contenta de dire :
- Je crois que je ne peux pas te rendre ton inspiration. Une flèche d’or ne suffirait pas. J’ai… C’est condamné.
Orphée parut alors si accablé qu’il se hâta d’ajouter :
- Cependant, nous pouvons aller sur l’Olympe, il y a là des gens et des choses puissants qui peuvent t’aider. Je t’y accompagnerai, car tu n’es qu’un mortel. Tu dois comprendre le privilège que je te donne ! Et tu dois aussi me… me présenter tes excuses.
Eros n’avait plus besoin d’excuse. Il faisait tout cela afin de rappeler son statut premier de victime, tâchant une fois encore de repousser cette culpabilité tenace. Il fallait qu’il s’en persuadât autant qu’il devait en persuader Orphée !
En revanche, son trouble était tel qu’il ne réalisait pas pleinement la proposition qu’il venait de faire au jeune homme. Inviter un mortel à fouler les terres d’Olympe était une chose aussi extraordinaire qu’interdite. Eros s’enfonçait malgré lui dans cette situation qui prenait de plus en plus des airs de sable mouvant, et la perspective de s’en extraire semblait s’éloigner de lui à chaque minute…
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