Les jardins étaient l'endroit où la douce Pénélope se réfugiait lorsqu'elle était contrariée. Elle avait du caractère c'était indéniable, cependant elle ne pouvait pas se permettre d'être insolente, après tout elle était promise à un avenir radieux et sous l'égide de l'étiquette ! Elle devrait savoir tenir sa langue en présence des Hommes et de certaines femmes parfois. Apprendre à plaire, savoir trouver les mots qu'il faut. En ce point elle n'était pas bien en reste. Pour ce qui était de ne pas défendre son point de vue alors qu'il était mûrement réfléchi, c'était autre chose.

Or, elle venait d'avoir une altercation avec son père ; Non que ce soit véritablement grave, les deux étaient parfaitement au fait du caractère de chacun et doté de raison..Plus que de raison. Les dieux de la Discorde ne s'étaient pas mis entre eux, ce serait donc sans véritable conséquence. Tout continuerait comme ça avait commencé. Elle prenait l'air, et lui était retourné à ses affaires. Elle savait qu'il n'était pas si sérieux que ça, que ce qu'il lui disait n'avait qu'une moitié de fondement. Il voulait certes qu'elle se choisisse un époux, mais au fond elle savait bien que son dernier souhait était de la voir le quitter.

« N'écoute t'il jamais la voix de la sagesse ? Lui qui porte autour du cou un médaillon à effigie de la chouette d'Athena ! »

Elle pestait. Elle devait extérioriser, c'était fait ! Et voilà qu'elle trouva un banc pour s'asseoir. Elle soupira profondément en secouant la tête énergiquement de gauche à droite. Cette histoire la mettait hors d'elle. Elle ne voulait pas avoir à e poser. Si elle prenait tant de bon temps à discuter avec tous ces hommes, aucun n'avait réellement su faire battre son cœur. Artémis en était très certainement la gardienne.

« Je n'ai pas besoin d'un homme ! J'ai déjà un toit ! Je n'ai pas besoin de construire mon empire. JE N'AI PAS BESOIN DE.. »

Soupir.

« Non , il ne veut pas que je parte. Et pourtant, il veut que je lui fasse un petit fils plutôt rapidement. Je sais que le temps le presse, mais il ne peut pas me sacrifier..SI ? »

Son attention s'était portée sur la petite statue d'Hestia qui siégeait en bonne place sur un petit autel dans ce même jardin. Elle parlait aux statues, voilà. Elle soupira et prit sa tête entre ses mains. Elle se massa les tempes avec application, soufflant une énième fois. Evacuant la pression.

Pénélope n'avait rien contre les sacrifices, au contraire ! Ils étaient grandement à la mode à cette époque où ils construisaient le théâtre futur sans même en être conscient. Cependant, il en était certains auxquels elle ne pouvait se résoudre. Et celui là en faisait partie. Elle avait le même problème que bien des héritières : a quoi bon être riche jolie jeune et puissante si l'on ne pouvait rien en faire !

Un comble. Et son père faisait la sourde oreille alors qu'il SAVAIT de quoi il en retournait. Il faisait passer ses envies avant les besoins de la patrie. C'était complètement immature ! Il aurait bien besoin de faire un tour au temple d'Athena pour apprendre la sagesse ! Elle ruminait en silence de bien cruelles pensées. Heureusement, on jugea bon de venir l'interrompre.

Finalement, un bruit lui fit donc relever la tête. D'où est ce que ça pouvait bien venir ! Elle était seule dans ces jardins, elle n'avait pas eu de frère ni même de petite sœur et ce n'était pas le jour où elle jouait avec ses petits cousins. Son père était en réunion avec quelques hauts dignitaires et l'espace était protégé par une épaisse muraille fleurie à l'intérieur. Elle chercha la source de la voix quelques instants.

Un vague frisson de panique parcourut son échine, rendant ses traits un peu plus durs. Une fois le calme revenu elle retrouverait son pacifisme légendaire mais pour le moment, sous l'émotion, elle ne pouvais contenir cette cruauté qui ne se montrait que lors de ses plus mauvais jours. Elle intima froidement, n'ayant pas encore remarqué cette volute de fumée bienveillante qui surveillait ses arrières

« Qui e...Sortez de votre cachette !  Je vous l'ordonne !»

Dans ce monde ou les humains fréquentent les Dieux, il peut s'avérer bien risquer de jurer un peu plus haut que sa condition ne le permet. Ils ont des oreilles et savent s'en servir. Heureusement pour elle, ce n'était pas une divinité courroucée qui avait répondu à son appel. Finalement, elle avait parlé un peu trop froidement pour son interlocuteur, elle se ravisa bien vite en entendant que la voix restait douce. Elle se retourna, les muscles bandés, prête à se défendre s'il en était besoin. Il n'y avait rien de menaçant, bien au contraire. Elle écarquilla les yeux de surprise un bref instant et pria pour savoir rattraper bien vite son inconscience.

« Ô Hestia, je..Je ne pensais pas que.. »

Mais elle n'eut pas le temps de terminer que la déesse s'était assise à ses côtés, prêtant une oreille attentive à ses dires. Troublée, elle ne sut un instant plus quoi dire. Alors elle se tut. Hestia était venu spécialement pour l'aider. La demoiselle se rassit donc calmement et poussa un long soupir plaintif. Le problème était si profond qu'il serait bien délicat à démêler.

« Mon père se fait vieux et.. »

Courte pause. De nouveau ces émotions.

« Non..Je ne peux pas me résoudre à épouser le premier bellâtre qui passe pour ses beaux yeux ! »

Elle la regarda, l'implorant du regard

« Vous me comprenez n'est ce pas ? »

Pénélope avait baissé sa garde. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais peut on véritablement se méfier de la déesse du Foyer ? Si elle faisait du mal aux femmes, qui fonderait un foyer ? Et sans foyer, qu'aurait elle à surveiller alors ? Hestia n'avait aucun intérêt à nuire à la future femme qu'elle était. Elle était connue pour sa sagesse et ses bons conseils. Elle pouvait donc se permettre de sourire et de se relaxer.

Une fois ce long soupir exhalé, elle porta son regard sur la végétation environnante avant de les porter finalement sur la belle déesse. Toute son émotion devait être visible dans ses pupilles bleues. Finalement, la réponse de la déesse la laissa perplexe. Elle ne savait pas grand chose sur ce qui se passait plus haut pour le moment, mais ça viendrait bientôt. Avec du temps et de l'expérience.

Finalement, la suite de sa réponse la surprit plus encore. Quelqu'un qui plairait à son père serait bientôt mis sur sa route ? Mais lui plairait il également ? Le problème en restait là. L'homme de ma vie pouvait avoir été choisi au hasard. Un petit sourire éclaira son visage. Finalement, il y avait un peu d'espoir.

« Je peux vous poser une autre question ? »

Elle laissa un silence pour la laisser répondre avant de reprendre.

« Vous aussi, Dieux et Déesse devez épouser des gens que vous n'aimez pas ? Vous qui avez tant de pouvoirs, pourquoi ne pas les utiliser  pour votre liberté? »

La demoiselle était intriguée. Pour elle, chaque Dieu était libre de faire ce que bon lui semblait. Il n'y avait qu'a regarder les amours de Zeus pour se faire à l'idée qu'eux seuls avaient le droit à cette liberté totale que seule peut procurer la puissance ultime. Elle n'imaginait pas de querelles particulières tant elle les voyait séparés chacun par leur domaine d'excellence. De toute évidence il en était tout à fait d'une autre manière. Hestia souriait toujours. Voila qui ne semblait pas la tourmenter plus que de raison. Et pourtant, elle avait marqué un temps d’arrêt.Elle écouta avec application. C'était expliqué assez clairement. Mais elle n'eut pas le temps de rétorquer tout de suite. Seulement, la chose qui la choqua le plus était cette idée précise :

« Aphrodite, avec Hephaïstos ? Forcée ? Il n'aurait pas pu en être d'autre manière de toute façon. Il faut voir les choses en face, il est si..bourru . »

Passé cette considération purement matérialiste, elle reprit ses esprits, ne voulant pas s'attirer ses foudres.

« Deux couples..Et Quelques vierges. Une vertu que je me fais une joie de préserver. »

Et l'idée de son mari revint sur le tapis.

« Je suppose que tu ne peux rien m'en dire..N'est ce pas ? »

Hestia était douce et conciliante. C'était une divinité vénérée par bien des citoyens dans bien des villes. Certains barbares également-selon les rumeurs- en appelaient à ses bonnes augures pour protéger leur foyer. Elle avait de la chance. Beaucoup de chance.

Une main passait presque tendrement sur sa joue. Elle tourna les yeux vers la déesse et lui sourit. Tant de compassion rassurait un peu son cœur qui devenait moins lourd à chaque passage des doigts contre sa peau. Elle soupira d'aise. Cependant, il y avait encore beaucoup de choses qu'elle aurait aimé pouvoir comprendre.

« Et bien j'attendrai. Je te crois. »

Silence.

« Mais..N'est ce pas lourd à porter de savoir tant et de ne pouvoir dire que si peu ? »