Et moi qui pensais pouvoir trouver une idée lumineuse pendant mon voyage, quelle naïveté. Après des jours de cheval et de bateau, je suis arrivée à Ithaque sans la moindre stratégie complète en tête. Oh, des idées j’en ai. J’en ai même beaucoup. Mais aucune ne parait se détacher des autres. Aucune ne semble être, LA bonne idée. Ce ne sont que des idées, plus ou moins réalisables, plus ou moins dangereuses, plus ou moins suicidaires.

Allongée dans l’herbe, au sommet d’une colline qui jouxte la Cité d’Ithaque, je me pose mille et unes questions. Pourquoi donc la déesse Athéna m’a-t-elle donné cette quête ? Pourquoi moi ? Pourquoi cette quête là en particulier ? Tant de questions sans réponses qui, au final, ne font que me faire gagner du temps sur la véritable question que je devrais me poser : Comment récupérer cet arc ?

Alors que Lumos broute tranquillement à côté de moi, je me remémore les différentes « solutions » qui me sont venues à l’esprit.

Me faire passer pour une guérisseuse ou une chanteuse de rue pour entrer dans le palais. Oui mais tout ce que j’ai sur moi c’est quelques bandages, des extraits de plante et du matériel de chasse. Vous voyez souvent des chanteurs sans instruments ou des guérisseurs avec un arc et un carquois dans le dos ? Je vous le dis tout net, ça n’arrive jamais.

Je pourrai, à la rigueur, faire apparaître une lyre en utilisant mes pouvoirs mais le problème de l’arc se poserait toujours.

Essayer de rentrer discrètement et voler l’arc ni vu ni connu ? Je sais être discrète dans une forêt mais à l’entrée d’un palais aussi bien gardé que celui d’Ithaque, ça me semble plus complexe…

Foncer dans le tas et demander une audience avec le roi pour lui expliquer clairement ma situation ? Autant me pendre tout de suite, ce sera plus rapide.

Et même si j’arrive à entrer, qui sait combien de temps je vais mettre à trouver ce fameux arc. A moins que le roi Ulysse ne le laisse en exposition sur un mur, ce dont je doute, je risque de devoir chercher un moment.

– Bon sang !

Mon cri de désespoir fait relever la tête à Lumos qui arrête de brouter pendant une demi-seconde avant de se rendre compte que l’herbe d’Ithaque est quand même bien plus intéressante que moi.

– Franchement, si elle voulait tant qu’un demi-dieu récupère cet arc, elle aurait mieux fait de demander à un enfant d’Hermès. Le vol, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé…

Je devrais pourtant le savoir. Parle un peu trop fort d’un dieu et tu as une chance sur deux qu’il apparaisse derrière toi. Pour les demi-dieux, cette probabilité est encore plus importante.

En effet, il n’y a pas besoin d’être un génie ou la Pythie de Delphes pour savoir que le beau jeune homme qui est soudainement apparu sur la colline se trouve être le dieu Hermès. Ils ont beau pouvoir prendre l’apparence de leur choix, les Olympiens prennent toujours la même. Et, tout comme mon père, le messager des dieux privilégie la jeunesse et la beauté. D’ailleurs, mon père fait souvent un effort pour paraître plus âgé quand il vient me voir mais il arrive qu’il oublie et, franchement, ça fait très bizarre d’avoir un parent qui a l’air d’avoir le même âge que soi.

Bref, on s’écarte du sujet.

Ce dieu n’a-t-il pas honte de dire devant une demi-déesse qu’il n’a aucune idée d’où se trouvent ses enfants ? Parce que je suis infiniment persuadée qu’il en a. Il doit rivaliser avec mon père dans le nombre de conquêtes et donc avoir un paquet d’enfants demi-dieux. Évidemment, le seul dont il connaît le nom est un dieu. Le seul enfant qui mérite qu’on se souvienne de lui, je suppose.

Et voilà que je me fais engueuler ! Qu’est-ce que ça peut lui faire que je sois ici ? Et d’abord, qui dis que je vais déranger le roi ? A moins qu’il sache pertinemment le pourquoi du comment je me trouve à Ithaque ? Dans ce cas, je ne vais certainement pas me laisser marcher sur les pieds. Je n’ai pas de temps à perdre avec les problèmes internes des Olympiens.

– Seigneur Hermès, dis-je, en baissant la tête en signe de respect. Je suis ici parce que Dame Athéna m’a donné une quête. Une quête qui consiste à voler l’arc qu’Ulysse seul peut bander et à le lui remettre. Mais ça, je suis persuadée que vous le saviez déjà.

Dans mes souvenirs, mon père et le Seigneur Hermès s’entendent plutôt bien. J’espère que c’est toujours d’actualité sinon je risque de me mettre un des plus puissants dieu de notre ère à dos.

– Si la question que vous vous posez est : « Pourquoi donc avoir accepté la requête d’Athéna ? », la réponse est simple : Avais-je le choix ? Fille d’Apollon ou non, lorsqu’une Olympienne me donne une quête, je fais ce que je peux pour l’exécuter. Je ne veux pas de problème, avec personne. Et puis…

Allez Ilia, soit un peu honnête.

– … Il faut bien avouer qu’une quête est plus intéressante que la vie de Prêtresse. Même si, pour le coup, je ne sais pas vraiment comment m’y prendre.

Je ne m’attends pas à ce qu’il me prenne en pitié. Encore moins à ce qu’il veuille m’aider. Tout ce que je veux, c’est ne pas me faire engueuler pour quelque chose que je ne contrôle pas. Je n’y peux rien si la déesse Athéna s’est soudainement mise en tête de me donner une quête et je n’y peux rien si elle consiste à voler un objet magique à un roi. Tout ce que je peux faire, c’est faire en sorte que cette mission se passe le mieux possible.

Ne t’énerve pas Ilia. Ne t’énerve surtout pas. Conserve ton calme… Mais ce n’est pas possible d’être aussi débile ! C’est vraiment le dieu Hermès ? Le célèbre messager de Zeus ? C’est fou mais, à chaque fois que je rencontre un nouvel Olympien, mon respect pour eux à tendance à décroitre. « Je ne comprends pas pourquoi vous vous sentez obligé d’accepter les quêtes ». L’instinct de survie, tu connais ? Je suis une demi-déesse. A peine plus qu’une humaine. Toi, tu es un dieu capable de m’envoyer auprès d’Hadès en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Alors non, je ne m’amuse pas à refuser vos demandes ou à discuter vos ordres.

« Dépêches-toi de trouver un plan ». Mais je ne fais que ça depuis des jours ! Ma tête est pleine d’une ribambelle de plans tous plus improbables les uns que les autres ! Il croit quoi ? Que je suis restée à lézarder sur cette colline toute la semaine ?

C’est seulement quand la tête de Lumos vient se frotter contre mon dos que je commence à me calmer. Le pauvre a dû ressentir que j’étais énervée. Zut, si ça se trouve j’ai laissé déborder mes pouvoirs sans m’en rendre compte. Je n’arrive pas à ressentir ma propre aura donc je n’en ai aucune idée. Je sais seulement que ça arrive, parfois, quand mes émotions sont trop fortes. J’ai cependant un petit indice qui me permet de savoir si j’ai involontairement utilisé mes pouvoirs ou non.

Rapidement, je regarde à l’arrière de la selle de Lumos, là où elle est si brillante qu’elle fait un effet miroir. Le résultat est immédiat, mes yeux sont passés du brun au doré. J’espère que je n’ai pas fais apparaître des flèches ou d’autres objets dangereux pendant ma petite colère intérieure. Quoi que, faire ressortir la partie divine de mon être devant un dieu est déjà bien assez dangereux comme ça.

Reprend-toi Ilia, il doit se demander ce que tu fiches. Mais ma colère n’est pas assez retombée pour que je m’excuse ou que je le supplie d’ignorer ce qu’il vient de se passer. Me retournant vers le dieu, je le fixe droit dans les yeux avant de reprendre la parole.

– Vous ne m’apprenez rien, Seigneur Hermès. Ça fait des jours que je cherche un plan qui tienne la route et, si je n’ai encore rien tenté, c’est justement parce que je n’en ai pas encore trouvé un qui soit suffisamment efficace. Pour tout dire, le plan le plus plausible qu’il me vienne à l’esprit est de demander à mon père d’organiser un concours de tir à l’arc à Ithaque et dont le gagnant remportera l’arc d’Ulysse. Je suis persuadée qu’il réussirait à le convaincre de mettre son arc en jeu. Je n’aurai alors plus qu’à gagner le concours. Mais je déteste cette idée.

Et pourtant, elle est celle qui mets le moins ma vie en danger.

– Vous savez pourquoi je la déteste ? Parce que j’ai beau aimé mon père, je refuse d’avoir besoin de son aide ou de celle de n’importe quel dieu pour effectuer cette quête. Je l’ai accepté, il en va maintenant de ma responsabilité. La vérité est pourtant que je ne me sens pas capable de la réussir seule.

Idiote, idiote, idiote ! Il faut toujours que tu dises la vérité hein ? Pourquoi tu lui as dit ça ? Ça va faire totalement disparaître l’effet de ton précédent discours. Idiote !