La vie de prêtresse peut sembler tranquille. Voir même ennuyeuse et sans saveur, pour certains. Et je ne contredirai certainement pas. Il est vrai que notre emploi du temps est vite répétitif. Je ne sais pas trop ce qu’il en est pour les autres temples mais le quotidien des prêtresses de mon père se résume à se lever aux aurores pour le prier, laver le temple, les statues etc pendant des heures et accueillir les voyageurs qui souhaitent l’hébergement de notre dieu. Vous pourriez penser que ce travail permet de rencontrer de nombreuses et différentes personnes et vous auriez raison. Mais, comprenez que dans mon cas, entendre sans cesse des louanges sur mon père finit par me lasser. Pas que je ne l’aime pas, ce n’est pas ça.

Imaginez. Vous êtes plus instruit que vos camarades sur un sujet. Or ces fameux camarades ne font que parler de ce sujet et répètent sans cesse les mêmes choses que vous savez n’être pas tout à fait exactes. Cela ne vous ennuierait pas à force ? Cela fait bien longtemps que j’ai abandonné l’idée de les contredire. Autant que le commun des mortels continu de penser que mon père est parfait. Penser que les dieux, en général, sont parfait. Je suppose qu’il faut en avoir rencontré pour savoir que c’est faux.

Bref, des journées répétitives et lassantes, surtout pour moi. Mais, aujourd’hui, je vais enfin pouvoir faire quelque chose d’un peu original. Ce matin, ce n’est pas au temple mais à l’écurie de la garde que je me rends, à l’aube. Mon arc, mon carquois, et un petit sac de voyage dans le dos, je m’apprête à faire un long voyage vers Athènes. Cette Cité n’est pas la plus éloignée de Delphes, mais il faut tout de même une bonne dizaine d’heure de cheval dans un bon galop pour y aller. Ce n’est pas un problème, j’adore le cheval ! J’avoue qu’il m’arrive de rêver de pouvoir chevaucher un pégase ou l’un des chevaux volants qui tirent le char de mon père, mais bon, il faut savoir faire avec ce qu’on a !

C’est donc à un peu moins de sept heures du matin que je me mets en route. Ma mission est simple : me rendre à Athènes pour pouvoir procéder au fameux échange de bons procédés entre temples. Je vais enseigner quelques-unes des dernières techniques de soin développées à Delphes pendant que les prêtresses d’Athéna vont envoyer l’une de leurs prêtresses chez moi. Cet échange a lieu une fois tous les deux ans et c’est un grand honneur d’être choisi pour y participer. Je ne suis pas la meilleure soigneuse du temple mais je ferai de mon mieux !

Laissant Lumos, mon cheval, se reposer régulièrement, nous alternons le pas et le galop et c’est vers un peu plus de dix-neuf heures que nous arrivons enfin en vue de la Cité Athénienne.

– On devrais y être dans un peu moins d’une heure, Lumos. Courage !

Oui, je parle à mon cheval. On ne juge pas.

C’est pleine d’une bonne humeur fraichement retrouvée après un si long voyage, que je mets Lumos au trot afin de traverser la dense forêt qui nous sépare de notre destination.

La vie d’une déesse oscille souvent entre périodes animées et calme profond. Cela faisait un moment qu’Athéna ne s’était pas un peu amusée, préférant rester dans sa demeure du Parthénon à acquérir toujours plus de savoir.

Mais récemment, notre chère déesse s’ennuyait. Pour pallier à cela, elle s’était rendu à l’Olympe pour converser avec sa famille. Elle y avait croisé Apollon, son demi-frère vaguement rival, et lui avait parlé de son nouveau protégé, un homme dénommé Ulysse promit par les Moires à de grands exploits.  Le dieu solaire avait simplement haussé les épaules pour l’informer nonchalamment qu’une de ses filles était également une étoile montante, avec de surcroît un statut de demi-dieu lui conférant certains pouvoirs, contrairement à ce mortel d’Ulysse.

Piquée de curiosité, la déesse s’était promise d’aller jeter un œil à cette fille... Promesse vite noyée dans l’ambroisie et le nectar dont la déesse abusait parfois lors des fêtes olympiennes de son oncle Dionysos. À son retour à Athènes, tout était oublié et la vie redevînt paisible.

Un jour, alors qu’Athéna se prélassait en lisant un livre, elle sentit une énergie divine nouvelle. Encore plongée dans sa lecture, elle se demanda ce qu’Apollon devait bien lui vouloir, puis se rendit compte que l’aura était bien trop faible pour être celle de son frère. Intriguée mais paresseuse, elle envoya sa chouette chevêche Minvie à la rencontre de la source mystérieuse.

À travers les yeux de son compagnon, elle observa la jeune femme à cheval et su immédiatement de qui il s’agissait. Elle s’offusqua de son habit de prêtresse : une demie-déesse avait bien mieux à faire que de perdre son temps dans un temple, à prier son père de surcroît ! Pallas se promit d’en toucher mot à Apollon et eu soudain envie de mettre la jeune femme à l’épreuve. La petite chouette se posa sur une branche et Athéna lui indiqua de communiquer avec la cavalière.

- Que viens-tu faire près d’Athènes, fille d’Apollon ?

L'aura divine de l'animal le rendait facilement identifiable. Minvie n’avait pas bougé et se contentait de scruter la demie-déesse de ses grands yeux sévères.

Nous venions à peine de passer l’orée de la forêt que je demande à Lumos de ralentir. Il hennit doucement, grattant le sol, d’un air contrarié.

– Oui, désolée. Je sais que tu aimes galoper en forêt mais…

Mais il y a quelque chose. Quelque chose que j’ai déjà ressentis à plusieurs reprises. Une aura. Une aura divine. Mais ça ne aucun sens. Pourquoi un dieu viendrait se perdre dans une forêt pareille alors qu’Athènes se dresse fièrement juste derrière. Je me rappelle que mon père m’a, un jour, raconté que même sa sœur jumelle, la déesse Artémis, ne se balade pas dans ce genre de forêt. Elle préfère les forêts denses et isolées, là où les animaux sauvages vivent en grande quantité.

Cette forêt là n’a rien à voir. Je n’ai même pas croisé la moindre nymphe depuis que j’y suis. Elle m’a l’air… Vide. Comme si la présence d’Athènes à proximité, amenait toutes les âmes de la zone vers la ville. Vers la puissance de la déesse Athéna.

C’est alors que j’entendis la voix. Je relève immédiatement la tête dans sa direction et, aidée de l’aura divine, je trouve très facilement la chouette, perchée sur une branche quelques mètres au-dessus de ma tête. J’ai rencontré quelques dieux dans ma vie et, si je n’ai jamais vu Athéna en personne, je connais assez bien les symboles des Olympiens pour n’avoir aucun problème à reconnaître celui qui s’adresse à moi. Le plus déroutant étant qu’elle… semble me connaître.

– Dame Athéna.

Mon père m’a déjà dis que je pouvais appeler les Olympiens « Oncle » ou « Tante » mais je ne sais pas vraiment s’il était sérieux ou pas. Je préfère ne pas prendre de risques inutiles. D’autant plus qu’aux dernières nouvelles, Athéna et mon père sont toujours en rivalité.

– Je suis la prêtresse de Delphes qui a été choisi pour l’échange. Je me rend à votre temple, rencontrer vos prêtresses et leur enseigner nos dernières découvertes médicales.

En apparence, Delphes ne semble pas être une ville de sciences. Mais nous ne sommes pas le centre du monde du rien. Apollon est un dieu aux multiples facettes et si la divination et les arts sont les plus connues, il ne faut pas oublier que mon père est également le dieu de la médecine.

La question que je me pose maintenant, est pourquoi Athéna a-t-elle tenu à envoyer sa chouette. Certes, nous n’informons pas au préalable de l’identité de la prêtresse choisie mais de là à ce que la déesse tutélaire vérifie elle-même de qui il s’agit, il y a un monde.

Athéna était satisfaite de la réponse déférente de la jeune femme. Elle ne détestait rien de plus qu’être adressé familièrement par un ou une de ses nombreux « neveux » ou « nièce ». Néanmoins, elle se posait beaucoup de questions sur Ilia. Elle sentait un paradoxe entre la condition de la jeune femme et son caractère. La petite chouette tourna la tête et cligna des yeux.

- Ma maîtresse s’étonne de ton statut de prêtresse, toi l’enfant de son frère Apollon. Pourquoi ton cœur téméraire a-t-il accepté une telle occupation ?

Athéna ne se préoccupait que très peu de l’activité des temples. Ce qui importait était que son culte lui soit rendue, et les Athéniens répondaient parfaitement à cette tâche. Plusieurs temples lui étaient dédiés dans la ville, et de nombreuses statues à sa gloire avaient été érigés. Gloire lui était rendue lors des Panathénées, sans compter les innombrables offices et sacrifices en son honneur tout au long de l’année. Son égo divin ainsi entretenu, la déesse ne se préoccupait pas des petites formalités.

- Quelle découverte apportes-tu aux Athéniens ? Es-tu une guérisseuse talentueuse ?

La déesse connaissait les talents de guérisseur de son frère. Non pas qu’elle lui jalouse, car elle était elle-même détentrice d’un savoir absolu, mais la générosité d’Apollon envers les mortels lui faisait toujours grincer des dents. Il ne lui serait jamais venu à l’idée de partager ses connaissances aussi largement que le faisait le protecteur de Delphes. De même, la tendance qu’il avait à répondre à la Pythie (une mortelle !) ne lui plaisait pas particulièrement. Malgré son statut de déesse civilisatrice, patronne des artisans et des techniques, Athéna préférait réserver ses bienfaits aux héros qui le méritaient vraiment.

Je ne peux m’empêcher d’être surprise par la réponse de la chouette. Suis-je si transparente ? Il est vrai que ma condition de prêtresse ne me satisfait pas, que j’ai suivi cette voie pour faire plaisir à ma mère, pour aider ma Cité. Pas pour moi. Et, plus le temps passe, moins je me plais dans ce travail. Néanmoins, je pensais le cacher correctement. Je pensais que le seul, qui avait réussi à me percer à jour, était mon père.

Un sourire en coin se forme sur mes lèvres à cette pensée. J’ai été bien surprise ce jour-là aussi. Le jour où mon père m’a tout simplement demandé pourquoi je continuais à faire quelque chose qui ne me plaisais pas. Ce jour-là, j’ai répondu avec le sourire. Je lui ai dis que je n’avais pas de raison de faire autre chose. Il n’avait pas semblé satisfait pas ma réponse. Évidemment, il n’aime pas que je lui mente. D’ailleurs, je ne sais pas mentir. Alors je m’arrange pour ne plus avoir à le faire.

– Vous m’avez percé à jour, dame Athéna. Ça ne m’étonne pas de vous.

Je soupire avant de fixer mon regard dans celui de la chouette.

– Il est vrai que je n’aime pas être prêtresse. Particulièrement à Delphes. Entendre parler de mon père toute la journée s’avère être lassant. Je l’ai fait pour ma mère. Elle était prêtresse, elle aussi, avant de tomber enceinte de moi.

Et de devoir arrêter sa carrière par la même occasion. Quand j’ai assez grandi pour qu’elle puisse reprendre son travail, elle ne l’a pas fait, préférant se consacrer à la couture et aux innombrables arts que recèle Delphes. Peut-être avait-elle peur des critiques. Les prêtresses peuvent être dures avec celles qui « surpassent leurs droits » et deviennent plus proches, avec leur dieu, qu’elles ne le devraient. Je trouve ça idiot, mais bon. Si je devais râler à chaque fois que je trouve quelque chose idiot, on n’aurait pas fini.

– Mais je n’ai pas à me plaindre. Je passe le plus clair de mon temps libre avec un arc entre les mains, ça me suffit.

Et voilà Ilia, tu te remets à mentir. Qui essaie-tu de convaincre ? La déesse ou toi-même ?

– Je ne pense pas être la meilleure guérisseuse de Delphes. Sans mes pouvoirs, je suis tout juste dans la moyenne.

Mais avec eux, je passe directement dans le top trois des meilleures guérisseuses de la Cité. Mais je préfère éviter de le dire. Autant ne pas paraître orgueilleuse. D’autant plus que je n’ai pas de pouvoirs de guérisons à proprement parler. Le don que j’ai obtenu de mon père me permet d’utiliser la lumière qui m’entoure pour créer des objets. Je l’utilise souvent pour faire apparaître des flèches mais j’ai remarqué que quand je fais apparaître des bandages, ceux-ci sont beaucoup plus efficaces que les bandages classiques. Ce fut une découverte due au hasard qui m’a donné la côte pendant un certain temps auprès des médecins de la ville.

– Néanmoins, j’apporte de nouvelles méthodes de pose de bandages ainsi que des onguents plus efficaces que ce qui est fait habituellement.

Tout est dans la préparation et le choix des ingrédients. Certains habitants de la Cité passent des heures à essayer toutes les combinaisons possibles. Aidés par un coup de pouce de mon père de temps en temps. C’est ce genre d’actions, de sa part, qui me font être fière d’être sa fille.

Enfin, je ne suis pas persuadée que ce que je raconte intéresse véritablement la déesse. Je ne crois pas que la médecine soit véritablement dans ses centres d’intérêt. Si c’était le cas, je ne serai pas ici.

Athéna lu la surprise sur le visage de la jeune femme. On ne l’appelait pas Pallas la Sage pour rien, la déesse savait sonder le cœur des hommes en un regard, et leur nature n’avait pas de secret pour elle. Le destin de la jeune femme lui apparu comme plus brillant que celui d’une simple prêtresse. Le mépris olympien pour les hommes pointa quand Ilia lui apprit les raisons de son choix. Ainsi, c’est pour suivre les désirs d’une simple mortelle qu’une femme au sang divin s’était enfermée dans cette voie. Cette explication courrouça la fière guerrière, et une idée lui vint. Elle écouta le reste des réponses d’Ilia.

- Tu sembles disposer de pouvoirs intéressants, mais tu ne connaîtras jamais l’étendue de leur puissance si tu ne les utilises pas ou peu. Le savoir que tu apportes aux Athéniens peut attendre.

La déesse hésita à continuer. Elle désirait mettre la fille de son frère à l’épreuve, mais cela valait-il la peine ? Était-ce même sa place ? Si la jeune femme était véritablement destinée à la gloire, Apollon son père ne l’aurait-il pas lui-même contacté ? Le gout de la compétition l’emporta sur la déesse : elle voulait mesurer son propre champion à la fille d'Apollon. Un petit défi sans conséquence, juste pour passer le temps et pour son amusement. De plus, sa fibre féministe la poussait à vouloir que la demie-déesse se réalise dans une tâche d’ordinaire réservée aux hommes.

- Ma maîtresse a eu vent de ton existence par son frère qui lui a vanté tes talents. Elle désire te confier une tache digne de tes dons. Acceptes-tu de la servir pour cette fois seulement ?

Une question baignée de naïveté divine : qui oserais refuser une quête à la fille préférée de Zeus ? Athéna savait que sa demande risquait d’ennuyer son frère, mais malgré leur petite rivalité, leur entente était indéniable et il lui pardonnerait sans aucun doute ce petit écart.

Au fur et à mesure que la voix de la chouette, ou bien celle de la déesse, je n’en savais rien, retentissait, j’avais l’impression que mes forces m’abandonnait. Là, assise sur mon cheval, c’est comme si je pouvais voir le fil de ma vie prendre une nouvelle direction. Comme si, matérialisé devant mes yeux, je pouvais voir le cours de ma vie monotone changer. Cette proposition… Je ne devrai pas l’accepter. Qu’est-ce que dirai mon père quand il saura que j’accompli les désirs d’autres dieux que lui ? Mais, en même temps… Je ne peux pas refuser. Non, je le peux mais, c’est seulement que je ne le veux pas.

Athéna a raison. J’ai été époustouflée quand je me suis rendu compte que mes pouvoirs ne se limitaient pas à créer des flèches mais, au fond, que sais-je de mes véritables capacités ? La vérité c’est que je n’en ai aucune idée. De quoi est véritablement capable le descendant direct d’un dieu ? Mon père est capable d’un million de choses. Il est incroyablement puissant. Il peut tout faire. Alors pourquoi moi, sa fille, je ne pourrai que faire apparaître des flèches ? Au final, ce n’est que le fruit du hasard. Certains demi-dieux n’ont aucune capacité particulière, si bien que certains n’ont même pas conscience de qui ils sont. Mais moi, j’ai la chance de savoir qui je suis alors pourquoi ne pas essayer de voir jusqu’où je peux aller ? À quel point le sang divin qui coule en moi est puissant ?

Il n’y a qu’un seul moyen de répondre à cette question. Désolée papa mais, au final, si je deviens plus puissante grâce à cette tâche, alors je ne te serais que plus utile. Après tout, tu as « venté mes talents » pas vrai ? Je ne pensais pas qu’une phrase sortie du bec d’une chouette pourrait me faire autant plaisir. Ça y est, mes forces reviennent. Je sais ce que je veux. Je sais ce que je vais faire.

– Ce sera un honneur pour moi, d’exécuter la tâche que vous me donnerez, quelle qu’elle soit.

Désolée les Athéniens, vous allez devoir attendre un peu. Un futur plus intéressant s’impose à moi et, quand le futur semble d’éclairer, il faut courir vers lui.

Un des pouvoirs d’Athéna était d’insuffler bravoure et force aux mortels digne de ses dons. Sentant Ilia faiblir au fur et à mesure de sa réflexion, elle fit usage de ses pouvoirs et accueilli la réponse attendue avec satisfaction. Elle savait que la tâche confiée était complexe, et était curieuse de connaitre l’issue de l’aventure.

- Très bien, voici ta mission. Ma maîtresse est la protectrice d’un mortel promit à un destin flamboyant. Cet homme c’est Ulysse, le roi d’Ithaque, l'homme aux mille ruses. Il possède un arc que lui seul peut bander. Amène cet arc à ma maîtresse, dans son temple du Parthénon, et elle sera satisfaite.

La déesse aurait tout simplement pu aller chercher l’arc elle-même, Ulysse lui aurait donné immédiatement. Mais elle était curieuse de savoir si Ilia arriverait à tromper la ruse de son protégé. Elle-même ignorait où se trouvait l’arc, aussi elle se demandait comment la demie-déesse parviendrait à le trouver. Elle intima à sa chouette de revenir au temple.

A sa surprise, le volatile resta sur la branche et se contenta de battre des ailes.

- Ulysse est le favori d’Athéna. Si j’étais toi, j’éviterais de lui faire le moindre mal.

Minvie avait la fâcheuse tendance d’ajouter son grain de sel dans les interactions et les choix de la déesse. C’était souvent pour le mieux, mais avait le don d’agacer l’olympienne, qui n’aimait pas que son aura imposante soit brisée par l’interruption d’un oiseau. Elle ronchonna un peu envers sa chouette mais dû avouer que la précision était pleine de bon sens. Sa colère pouvait être particulièrement destructrice, comme on pourrait s’y attendre de la part de la déesse de la guerre.

Cette nuit-là, j’ai décidé d’établir un campement dans la forêt jouxtant Athènes afin que Lumos et moi puissions nous reposer. J’aurai préféré aller quérir l’hospitalité d’un athénien mais comment expliquer que je ne me rendais pas au Parthénon ? Non, trop de possibilités de rumeurs. Il vaut mieux que je me fasse discrète dans les jours qui vont suivre. Heureusement, cette forêt est toujours aussi silencieuse qu’à mon arrivée, je ne devrais pas à avoir trop de mal à y faire un petit somme.

Allongée dans une tas de feuille fraichement organisé, je me mets à réfléchir à la tâche que m’a donné la déesse Athéna. Plutôt que tâche, on peut directement parler de quête. C’est tout divin ça, faire comme s’ils te demandaient de passer le balai alors que ton travail consiste à voler un objet magique à un roi. Elle m’a pris pour un enfant d’Hermès ou quoi ? Mais bon, je suppose que les arcs, c’est sensé être ma spécialité. D’ailleurs, un arc que lui seul peut bander ? Je ne pensais pas que le roi d’Ithaque était aussi orgueilleux. Il faudrait que tous les meilleurs archers de Grèce aient essayé cet arc pour pouvoir en dire autant.

Je me demande si mon père est capable de l’utiliser ? Enfin, mais quelle question ! Évidemment qu’il le peut ! Il s’agit tout de même de l’un des archers jumeaux. Si lui ne peut pas l’utiliser, je ne vois pas pourquoi un mortel le pourrais, aussi incroyable soit-il. Et moi ? Est-ce que je suis capable de l’utiliser ? Je suppose que ça va dans la continuité de ce que disais la déesse. Ce n’est pas en me reposant sur les lauriers que je saurais jusqu’où je peux aller. Enfin, pour pouvoir l’utiliser, il faudrait déjà que je puisse l’avoir entre les mains.

Me tournant vers Lumos qui n’a pas perdu de temps pour s’endormir, je me mets à sourire. Le pauvre est épuisé mais c’est encore un très long voyage qui nous attend demain. Étant donné que nous devons éviter Delphes et les villages alentours, où je pourrais être reconnue, nous allons devoir faire un sacré détour. A vu de nez, il va nous falloir plus de deux jours pour arriver à la côte. Ensuite, il va falloir trouver un bateau et je ne sais absolument pas combien de temps le trajet pour Ithaque prends. Je n’y suis jamais allée. Enfin bon, nous verrons bien. L’avenir nous le dira, pas vrai ?

Je ferai mieux de me reposer. J’aurai tout le temps de penser à des stratégies d’approche pendant le trajet.