Le manteaux bleu étoilé de la nuit se levait doucement pour laisser place à une aurore estivale. Les rares rayons de soleil d’Apollon qui passaient à travers les feuilles humides de rosées les faisaient scintiller comme de petits diamant. Appuyée contre un tronc d'arbre qui s'était couché durant une tempète et était recouverts de mousses et de lianes de lierres, une jeune centauresse était couchée sur son flanc qui ne lui faisait pas mal.

Elle souffrait d'une infection provoquée par la flèche d'un être humain. Séparée de sa harde et de sa mère, elle avait attendu durant des jours entiers qu'un membre de sa harde ne vienne la retrouver. Elle était épuisée, affamée car n'ayant pu se nourrir que de hors d’œuvres, quelques fruits, de la viande d’écureuil, de lapin ou de souris, pas assez pour se remplir l'estomac.

Les bruits de gargouillis se faisaient entendre malgré ceux des oiseaux qui se réveillaient et chantait. Un coup d'oeil à sa plaie, elle passa une main dessus en grimaçant, la frôler lui faisait un mal de chien sans parler du fait qu'elle était gonflée et chaude. Il fallait qu'elle perce l'abcès pour laisser s'écouler ce qui s'était emmagasiné sous sa plaie. Elle ne pouvait pas se laisser mourir de cette façon là tout de même ?

La jeune centauresse prit la lance en bois qu'elle avait taillée pour venir appuyer la pointe acérée sur la plaie. Étouffant un gémissement de douleur avec sa main lorsqu'elle sentit le bois perforer son cuir épais. Elle n'entendit que trop tard le bruit d'une branche craquer en sa direction, voulant se redresser sur ses sabots trop vite, elle fut prise d'une douleur atroce qui la fit retomber lourdement. Le bout de sa lance recouverte de son sang qu'elle pointait en direction du bruit prête à ses défendre si il le fallait. Elle suivit du regard un lapin, puis un deuxième qui sautèrent par-dessus elle. Quoi que ce soit comme créature, elle ne devait pas s'attendre à tomber sur une centauresse.

Ça y est ! La journée est enfin terminée !

– Ilia ? Tu veux bien t’occuper des derniers visiteurs ? Me demande rapidement une prêtresse plus âgée en passant à côté de moi, les bras chargés de robes de prêtresse à laver.
– J’y vais !

C’était plus un ordre qu’autre chose de toute façon mais peu importe. Seuls quelques visiteurs me séparent encore de la liberté d’une chevauchée en forêt. Une petite demi-heure plus tard, après avoir donné couvertures, eau et avoir expliqué le fonctionnement du temple aux dernières personnes ayant quémandés l’hébergement d’Apollon pour cette nuit, je quitte joyeusement ma robe de travail pour enfiler une tenue plus légère et surtout, plus adaptée.

Mes amis ne sont malheureusement pas disponibles ce soir. Aeos et Elios travaillent de nuit, Nataé m’a prévenu, un peu plus tôt, qu’il lui restait beaucoup de boulot à la forge et Kalia m’a avoué vouloir préparer une surprise à son homme pour quand il rentrerait. Qu’il a de la chance ce Nataé, quand même. Bref, je suis donc seule pour aujourd’hui mais ce n’est pas si grave. Parfois, j’aime bien chasser seule avec Lumos. Personne d’autre que ma monture et moi au milieu de cette forêt. C’est reposant après une journée au temple.

La soirée a commencé comme bien d’autres. J’ai envoyé Lumos au galop et il était loin d’être contre. Après une journée à patrouiller aux abords de Delphes, il est bien content de pouvoir galoper avec moi le soir. J’ai de la chance que les gardes m’apprécient assez pour me laisser le monter quand je le veux.

Mais, à un moment donné, alors que nous passions dans un coin un peu plus profond de la forêt, j’ai entendu un bruit sur ma droite. Un bruit qui n’était pas habituel. D’abord comme un frottement puis un fort bruit de chute. Je fais alors le choix de descendre de cheval et laisse Lumos me suivre tandis que je m’avance doucement. Il vaut mieux privilégier la prudence dans ce genre de cas.

Je ne m’attendais, évidement, pas à tomber sur une centauresse, visiblement blessée au flanc, me pointant d’une lance de fortune ensanglantée. Ok, il va falloir la jouer fine si je ne veux pas être la prochaine à avoir mon sang sur cette lance.

– Hum, bonjour. Je m’appelle Ilia. Tu n’as rien à craindre, je ne vais pas te faire de mal. Je ne fais que chasser.

Je préfère ajouter cet élément à ma présentation. On ne sait jamais, elle pourrait mal comprendre le fais que j’ai un arc et un carquois dans le dos.

Une humaine ! Pendant quelques minutes, la centauresse toise du regard l'humaine de genre féminin qui est apparue. Elle voit bien son carquois avec ses flèches, c'est ce genre d'armes qui l'a blessée au flanc. Éponème la jauge du regard, si elle tente un mouvement, elle a l'allongé nécessaire avec sa lance pour lui infliger du dégât. Jamais elle n'a tué de créature pensante, elle a le cœur qui bat dans ses sabots à cause de l'adrénaline. Voilà qu'elle se présente, la centauresse continue de la regarder et de rester vigilante, elle sait combien les archères peuvent être rapide. Elle l'a apprit à ses dépends, elle jette un coup d’œil rapide à sa plaie qu'elle a ré-ouverte pour drainer, il y a du sang mélangé avec une substance jaune laiteuse qui coule sur son flanc en venant coller ses poils.

Éponème essaie de se relever, mais c'est peine perdue, elle a trop faim et sa blessure la force à rester couchée. Sa mère le lui a souvent dit et elle commence à comprendre, un centaure à terre est un centaure mort. Elle est incapable de chasser assez pour faire de bons repas, son temps est compté. Une odeur lui parvient, elle pue l'humain c'est un fait, mais il y a quelque-chose d'autre de plus subtil qui rend l'odeur meilleure.

- Tu es quoi ? Tu pues l'être humain mais pas comme les bipèdes de ton espèces !

Grattant le sol avec son sabot avant, elle parlait sans détour, pourquoi aurait-elle fait attention à ce qu'elle disait ? Elle était encore jeune et curieuse, bien loin encore des adultes. Elle avait encore une silhouette très juvénile, son corps chevalin était encore fin, ses jambes ressemblaient encore à celle des poulains même si elles s'épaississaient pour devenir plus forte, la porter plus loin.

- Je m'appelle Éponème

Mon odeur ? On dirait bien que mon sang divin vient de me faire gagner un temps précieux. Merci papa. La centauresse est, certes, blessée mais il n’empêche que j’ai déjà vu des centaures se battre et je n’ai aucune envie de devenir la cible de cette lance. Heureusement pour moi, sa jeunesse et sa curiosité m’ont sans doute grandement aidé.

– Il est vrai que je ne suis qu’à moitié humaine. Je suis une demi-déesse, fille d’Apollon.

Un avantage quand on est un demi-dieu, particulièrement quand son parent divin est un Olympien, c’est que les présentations sont assez courtes. Tout le monde connais mon père, ne serait-ce que de nom. D’ailleurs, j’ai de la chance, c’est un dieu plutôt apprécié des mortels, particulièrement dans la région. J’ai rarement de mauvaises surprises quand je me présente ainsi.

Alors que je termine ma présentation, mon regard se dirige de lui-même vers la blessure d’Eponème. Elle n’est pas belle à voir. Le sang mélangé au pu me fait penser que le sang présent sur la lance est peut-être le sien. Elle a du tenter de crever l’abcès. C’est un bon réflexe mais la blessure ne va pas s’arranger si elle reste ainsi à l’air libre.

Un élan de camaraderie ou l’expression du côté médecin de mon père, je ne sais pas, mais j’ai fais un pas en direction de la centauresse, pointant sa blessure du doigt.

– Je peux te soigner, si tu le souhaite. Comme tu le sais, mon père est, entre autres choses, le dieu de la médecine. Je peux t’aider. Si tu abaisses cette lance.

Oh je pourrais m’approcher en contournant la lance mais, voyez-vous, je possède quelque chose qui se nomme l’instinct de survie et qui me demande de prendre des précautions. Je suis archère. Le corps à corps n’est pas vraiment pas spécialité. Si Eponème se mets soudainement à me considérer comme un ennemi alors que je suis prêt d’elle, ça risque d’être douloureux.

Ainsi, elle est une demi-déesse fille d’Apollon. Si la jeune centauresse décide de ne pas faire grand cas du côté humain de cette femme, elle ne peut pas faire autrement que de baisser son arme. En effet, sa harde et elle-même ont toujours vénéré le dieu du soleil qui leur permet de se réchauffer grâce à son astre. Soupirant, le visage d'Éponème marque une moue, elle hésite, mais a t'elle réellement le choix ? Si elle reste clouée au sol non seulement elle ne pourra pas chasser, mais en plus elle ne pourra pas s'enfuir en cas de danger.

Ravaler sa fierté de centaure n'est pas chose aisée, mais l'instinct de survie est bien plus fort. L'ennui lorsqu'on a un corps de cheval à traîner derrière soi c'est qu'il n'est pas simple à atteindre. Posant sa lance sur le tapis de feuilles mortes au sol. Elle bascule sur le flanc pour laisser libre accès à la fille d'Apollon.

- D'accord ! Je te fais confiance...je n'ai pas le choix de toutes façon !

La jeune centauresse l'a comprit il y a longtemps, si elle ne se laisse pas soigner elle perdrait la vie. Elle reste calme, sa respiration forte soulevant son abdomen équin. Elle gratte le sol avec son sabot en grimaçant lorsqu'elle sent la guérisseuse de fortune triturer sa plaie. Ce n'est clairement pas agréable, mais elle ne veut pas avoir l'air faible car sa mère lui a toujours dit que les être humains aimaient dominer les créatures faibles. Éponème est bien trop fière pour finir en monture ou en bétail , même si elle reste encore une adolescente dans son espèce malgré sa force et sa grandeur.

Elle fini par se tendre en couinant une bonne fois et tourner un visage aux sourcils froncés, mais au yeux remplis de larmes. La grande centauresse n'est pas si insensible que cela.

- ça fait mal !