Agenor ne dormait plus depuis quelques jours ou alors très peu. La raison à cela était ni plus ni moins la présence assez fréquente de braconniers qui s'en allait et revenait. Bien qu'Agenor fît tout pour les chasser, cela ne les décourageait plus. Agenor ne savait plus quoi faire autre que de prendre des risques. Et le premier risque qu'il avait pris était de retourner les pièges qu'ils avaient installés contre eux. Et cela en déplaçant les pièges qu'il pouvait bouger. Sinon, il était obligé de s'exposer quelques secondes, comme une ombre pour les inciter à se perdre avant qu'il ne se prenne dans leur propre outil sanguinaire.

Il comptait bien faire tout pour préserver les animaux et les protéger. Si bien, que chaque matin et chaque soir, il pria la déesse Artémis en lui laissant un fruit différent chaque jour. Agenor l'avait fait au début qu'uniquement par principe et par promesse envers sa mère défunte. Mais maintenant, il avait une autre raison de prier pour elle. Agenor savait (grâce à sa maman défunte) qu'Artémis était la déesse protectrice des bébés animaux. Rien que pour cela, Agenor remerciait sans cesse la déesse pour le plaisir qu'elle offrait à la nature et à ses yeux en voyant des bébés animaux.

Finalement, le jour J était arrivé. Agenor avait fini de rendre hommage à la déesse en l'ayant prié pour protéger les bébés et lui permettre une bonne chasse. Agenor avait pris avec lui un arc standard et des flèches fait par sa mère. Étant habile avec cette arme, il comptait l'utiliser à bon escient. Mais il était beaucoup plus précis avec un bâton. Et la raison étant qu'il pouvait utiliser des branches des bois comme arme.

En étant partie vers le centre de la forêt, Agenor s'était camouflé derrière des buissons et patientait. Cependant, les hommes semblaient plus intéresser par autre chose. La raison étant qu'il criait et ne voulant plus attendre, il allait de l'avant. Il remarquait alors un faon apeuré et courir comme si sa vie en dépendait. Agenor le reconnu à sa tache au milieu de son front et il était outré qu'on veuille le tuer. Agenor arma son arc et lorsqu'il voyait un chasseur arrivé, il visa sa jambe qu'il toucha. Après quoi, il se mit devant le faon en le regardant. Celui-ci le percuta assez fort, mais Agenor le laisse faire en le tenant." Ca va aller. Je suis là" Il arracha un morceau de son tissu au niveau de sa manche pour bander sa blessure à la patte et il le porta ensuite en espérant aller assez loin. Mais cet homme n'était pas seul...

Au cœur. Elle avait mal au cœur. Un douleur cruelle, fulgurante, dévastatrice, elle est impossible. Le mal avait commencé quelques jours auparavant, quand  les premiers braconniers commencèrent leur chasse, à Chypre. Ils allaient et venaient tous les jours, tuant des dizaines d'animaux par jour, pour vendre leur fourrure aux pirates généralement.
En tant que déesse protectrice des bêtes et des chasseur, Artémis se sentait comme tiraillée entre ses deux attributs. Elle ne devrait pas s'en faire pour ces créatures, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de souffrir pour eux.

Elle devait faire quelque chose.

Elle descendit de la montagne divine afin de rejoindre l'île orientale. Son arc dans son dos et ses flèches dans son carquois d'argent, la déesse partit trouver le seul qui pouvait l'aider en ces temps agités : Agénor. L'homme était un des rare à prier la déesse Vierge et à s'adonner à son culte tous les jours. Artémis recevait de lui des montagne de fruits et de tributs en tout genre tandis qu'il prenait soin des animaux chypriote qu'il pouvait rencontrer. En tant qu'être divin, il ne fut pas dur pour elle de retrouver le Mortel. Elle se transporta dans un forêt et tomba nez à nez avec le jeune homme, qui rassurait un faon traqué. Malheureusement, le danger était proche. La déesse n'eut pas besoin de plus que quelques secondes pour décocher trois flèches d'un coup qui virent se planter dans les trois poitrines des trois contrebandiers. Deux tombèrent raide, le dernier hurla « Pas encore ! » avant de rejoindre ses coéquipiers dans l'Hadès. Une branche taillée en pointe logeait déjà dans son mollet. Agénor. Le Mortel s'agenouilla devant elle, dans un mouvement de soumission.

Sur ces mots, la déesse lui tendit l'arc et le carquois d'argent. Elle les lui donnait le temps de la mission : cette arme ne ratait jamais sa cible.

Agénor attrapa les présents, peu sûr de lui, mais Artémis savait qu'elle ne se trompait pas en lui confiant cette tâche. C'était à lui et à lui seul que revenait le devoir de protéger la forêt de Chypre. Elle avait confiance en lui.

Agenor prenait soin de l'animal en sentant qu'il n'allait pas bien et qu'il était effrayé. Chose qui ne lui plaisait pas du tout étant donné le mal qu'il se donnait pour garder un équilibre avec la nature telle qu'elle a été et telle qu'elle devait rester. Rien ne devait perturber ce fragile équilibre sinon la nature reprendra ce qui lui a été pris sans qu'on ne le remarque. Il remarquait d'ailleurs que son effroi n'était pas que dû à l'humain, mais aussi ) une blessure qu'il avait reçue. Agenor prit soin alors de lui mettre un bandage qu'il avait sur lui pour cautériser la plaie. Mais ce n'était qu'un soin temporaire. Il devra mieux la soigner plus tard.

Soudainement, alors qu'il entendait des hommes venir et qu'il se redressait en tenant son bâton pour leur faire face, il entendait des cris de douleur avant que ceux-ci ne s'éteignent. L'un d'entre eux criait quelque chose avant qu'il ne s'écroule à son tour non loin de lui. Il ne savait rien part rapport à ce qu'il leur était arrivé, mais eut rapidement la réponse en voyant la déesse qu'il vénérait tous les jours descendre sous ses yeux. Il s'abaissait prestement pour se mettre à genoux en signe de respect et de soumission ; elle était celle lui ayant sauvé la vie en mettant sa mère chasseresse sur sa route lorsqu'il était tout petit. Il estimait que ce qu'il faisait à son égard était peu de choses comparées à ce qu'elle avait fait.

Agenor l'entendait lui parler et hésitait un peu avant de se relever et la contempler en gardant son visage derrière ses bandages. Il ne voulait pas être irrespectueux, mais n'aimant pas son visage, il ne pouvait faire autrement. À la fin de son discours, Agenor versa une larme sous son bandage et la regardait en s'inclinant respectueusement. "Le simple fait d'avoir votre considération et de vous voir est un honneur trop grand. Je ne peux demander mieux et je ne veux pas abuser de votre précieux temps. Les animaux ont plus besoin de votre protection que moi de la vôtre. Ma vie est insignifiante et elle vous est dédiée. Je me montrerais digne de la tâche confiée." Il venait d'accepter tout ce que la déesse venait de lui dire. Il la vénérait assez pour se tuer si jamais elle lui demandait.

En voyant qu'elle lui donnait son arc et son carquois avec les flèches, Agenor était assez tremblant en les prenant, peu sur de lui. Toutefois, il les prit. Et il mettait le carquois sur son dos avant de regarder le faon et le consoler un peu avant de partir à la chasse à l'homme. S'il y en avait encore. Nulle question pour lui de revenir tant qu'il n'avait pas fini cette tâche.

Étant un habitué de la forêt et des traces que laissaient les animaux, il pista les traces laissées par les hommes et remontait ceux-ci en se montrant vigilent. De plus, il décochait une flèche en l'armant afin d'être fin prêt à tirer si besoin était. Des traces d'écorchure sur les troncs d'arbre et les empreintes laissaient à penser à un sanglier en fuite et furieux. Agenor suivait les traces de celle-ci et remarquait deux hommes chassant et abattant un animal. Il ne se faisait pas attendre et tira la première flèche avant de décocher une deuxième. Il les touchait et les tuait. Il se rendait compte de l'importance des objets confiés et remerciait la déesse avant de continuer et faire le tour de la forêt. Il croisait quatre autres humains qu'il tuait en décochait les flèches en se camouflant et bougeant pour ne pas être repéré. Le dernier prit peur et Agenor hurlait quelque chose " Cette forêt est la mienne et sous la protection de la déesse Artémis. Quiconque s'en approche aura à faire à mon courroux!!" L'homme détalait comme un lapin en quittant la forêt. Il avait bien entendu repris les flèches à chaque fois pour n'en perdre aucune avant de retourner auprès de la déesse pour lui remettre son présent. "J'ai fouillé toute la forêt et j'ai croisé sept hommes. Le dernier à fuie, mais je lui ai fait part que ce lieu n'était pas pour eux. Je vous remets ce présent bien trop précieux à mes yeux pour que cela puisse en être un." Il lui tendit son arc et son carquois avec les flèches en s'inclinant.

La déesse sourit tendrement, elle était fière de son protégé. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas rencontré de Mortels aussi dévoué. Après Hippolyte, le seuls s'étant ralliés à sa cause voulaient... L'approcher plus que prévu. Un frisson de dégoût traversa son divin corps mais elle se reprit très vite. Elle observa le mystérieux garçon qui se tenait à une distance respectable. Pourquoi se cachait-il... ? L'archère approcha la main de son visage dissimulé par de tristes bandelettes noires mais le chypriote recula. A cet instant, elle ressentit l'aura de Phobos, la Peur, s'emparer du Mortel. Ses yeux argentés se plissèrent, interrogateurs. Avait-il peur d'elle ou de se dévoiler ? Les deux sûrement. Le faon, qui était resté auprès de son sauveur le poussa d'un coup de museau vers la déesse, comme pour dire « vas-y, fais lui confiance ! ». Artémis effectua quelques pas de plus vers le jeune homme et tira sur une des bandelettes pour découvrir un visage balafré aux yeux dorés. Des larmes silencieuses en coulaient. D'autres questions surgirent dans l'esprit de la protectrice des animaux. Souffrait-il de quelque façon ?


L'étrange Mortel ne lui donna pour toute réponse qu'un regard désolé alors qu'il baissait la tête.

Agénor hocha lentement la tête. Tout son corps tremblait de honte et de crainte. La déesse sentit ces vagues de mauvaise bile se répercuter tout autour du malheureux, c'est-à-dire, sur la forêt et ses habitants, mais sur elle aussi. Dans un élan de bonté, ou paradoxalement d'égoïsme, Artémis pris les mains de l'homme et sourit.


La déesse traça, de la pointe d'une flèche, une faille, le long de la veine qui transparaissait de son bras droit. L'ichor doré, sang des dieux, s'en échappa pour venir s'étaler aux pieds des deux personnages. Une goutte. Deux. Trois. Et la plaie se referma.

La déesse sourit, gentiment, se rappelant de son ami perdu Orion. C'était un géant, pourtant de très petite taille par rapport à ses frères. Seulement deux mètres environ. Le fils de Gaia excellait à l'arc si bien que la Chasseresse lui accorda une place dans son cortège, faisant de lui le seul homme qui pu un jour se venter de cette offrande. Son énorme stature lui faisait perdre confiance, malgré ses émois pour des Mortelles. Artémis se souvint qu'elle l'avait aidé à surmonter cela. Les deux amis étaient inséparables. A tel point qu'Apollon, jaloux, fit naître en Orion une folie meurtrière... Il décima la moitié de ses Chasseresses et finit par se donner la mort lorsqu'il prit conscience qu'il réservait le même sort à la déesse...

Artémis leva les yeux vers Agénor. Il ne lui arriverait rien de tel. Elle allait l'affranchir de sa peur en lui évitant le sort d'Orion.

Elle le promettait.

Agénor avait accompli ce que la déesse attendait de lui et il était revenu pour lui rendre son arc qu'il avait trop utilisé à son goût. Avoir une arme puissante relevait du fait de la confiance que nous confiaient les divinités. Mais Agénor ne méritait pas une telle confiance. Il avait, selon lui, pas encore mériter un tel cadeau. Aussi bref soit-il. Si bien qu'il eût pris soin en baisser la tête en lui tendant son arc avec les flèches. Pas question pour lui de garder un tel présent plus longtemps. Ce serait un outrage. Dévoué ? Oui, il l'est au point qu'il se détesterait s'il importunait la déesse Artémis a qui il devait son salut.

Malgré qu'il s'était penché pour lui rendre son arc, il ne s'attendait pas à ce qu'elle s'avance vers lui pour lui enlever les bandages qu'il avait autour de son visage. Savoir son visage à découvert l'effrayait au plus haut point. Si bien qu'il se mît à avoir des larmes aux yeux. Il ne voulait pas que la déesse pour qui il s'est dévoué depuis tant d'années ne le voie ainsi. Cela le trouble et le gêne en raison du fait qu'il se trouvait des plus pitoyable. D'ailleurs, lorsqu'elle lui posait la question si s'était son visage qu'il avait en horreur, il ne put répondre que par un bref hochement de la tête.

La douleur, la crainte, l'horreur, la peur. Tout cela faisait trembler son corps et il n'arrivait tout simplement pas à rester calme intérieurement. Mais extérieurement, il ne montrait rien. Rien, à l'exception de ses tremblements sur l'ensemble de son corps. C'est alors que la déesse lui prit ses mains et se trouvant encore plus honteux, il baissait davantage sa tête. À la suite de quoi, elle lui parlait en le rendant un peu curieux. Assez curieux pour qu'il lève sa tête lorsqu'elle se blessait volontairement, l'horrifiant grandement. Bien qu'il n'y eût que trois gouttes qui tombait avant de se refermer, il était effrayé "Ne... Ne refaites plus cela. Vous savoir blesser, m'attristerait davantage."

Elle lui parlait de nouveau en caressant une de ses cicatrices qui le faisait trembler davantage. Aimer les femmes n'était pas ce qu'il cherchait, d'autant qu'il était toujours autant effrayé par les être humains. Il n'arrivait pas à s'y faire au point que cela le révulsait. Et malgré tout, il arrivait à s'entendre avec les dieux ou déesses. S'en doute que cela était contradictoire, mais il était ainsi. "Alors... Je dois faire en sorte que vous ne m'oublierez pas au bout de ses millénaires..."

La déesse sourit, curieuse de savoir comment il allait s'en sortir. Le faon coupa court à leur conversation en s'approchant de son protecteur. Agénor n'en était peut être pas conscient mais cet animal l'avait adopté. En tant que divinité des bêtes, Artémis sentit que le petit avait perdu sa mère depuis longtemps, il l'avait donc remplacé par l'humain bienveillant. Ses yeux noisettes, levés vers l'homme passèrent furtivement sur la Chasseresse. Ils étaient connectés et il le savait. L'animal passa entre les deux créatures anthropomorphes, semblant vouloir les mener quelque part. La fille de Léto lança un regard au Chypriote, comme pour lui signifier de les suivre. Le chemin qu'ils empruntaient les mena jusque dans une grotte, perdue au fin fond de la forêt. A l'intérieur, une jeune biche était allongée contre la pierre, faible et épuisée. Elle allait mettre bas.

Artémis s'avança vers la future mère et posa sa main sur son flanc. Sa respiration était rapide, elle suait et son regard semblait perdue. Un rictus inquiet assombrit le visage de la jolie brune : cette biche devait être ici depuis longtemps et quelque chose la gênait pour accoucher. La déesse fit signe au Mortel se s'approcher. Elle lui expliqua la situation et décréta qu'ils allaient devoir l'aider. D'abord, lui donner de l'eau : la biche avait besoin de se désaltérer pour reprendre un peu d'énergie, de force. Ensuite, il fallait faire en sorte qu'elle se couche, pour que son bébé puisse sortir correctement. S'ils réussissaient ces opérations avant l'arrivée du nouveau faon, tout ira bien. Sinon... Artémis ne voulait pas y penser. Envisager ne serait-ce qu'un instant que deux vies animales pouvaient s'éteindre alors qu'elles ont à peine eut le temps de palpiter... La déesse en eut un frisson de dégoût. Elle donna ses instructions à Agénor.

Sur ces mots, la déesse disparut en direction de la rivière la plus proche. Elle réceptionna le liquide clair et pure dans une gourde de cuir qu'elle matérialisa aussi vite qu'elle avait quitté la grotte. Une fois le réceptacle rempli, la Vierge revint à la caverne de la même manière qu'elle en était partie. Elle porta le goulot au museau de la cervidé qui avala difficilement la boisson. Quelques minutes plus tard, elle semblait aller mieux. Cependant, le nourrisson allait pointer, la déesse des animaux et des naissances le sentait. Elle ordonna à Agénor de passer de l'autre côté de l'animal pour la supporter lorsqu'elle allait s'allonger. Artémis posa ses mains sur le ventre de la biche et la fit basculer sur les bras de l'humain. La jeune mère se débattit quelque peu mais paraissait soulagée d'être enfin en position pour donner la vie. La déesse tira son ami vers elle, ils devaient laisser la scène se dérouler. Artémis avait l'air d'une petite fille. Elle était surexcitée, elle adorait voir ce processus magique qu'était la naissance. Qui ne serait pas ravi d'assister à ce spectacle ? Le nouveau-né tanguait sur ses petites pattes frêles alors qu'il cherchait la chaleur maternelle. Les yeux argentés de la déesse brillaient. Elle avait tout à fait oublier l'homme à côté d'elle, même si elle sentait son regard posé sur sa personne...