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"- Qui ça, Zeus ? Trêve de balivernes ! Il n'existe même pas, Zeus. " [pv Poséidon]

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Hadès

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MessageSujet: "- Qui ça, Zeus ? Trêve de balivernes ! Il n'existe même pas, Zeus. " [pv Poséidon] "- Qui ça, Zeus ? Trêve de balivernes ! Il n'existe même pas, Zeus. " [pv Poséidon] Icon_minitime1Ven 20 Mai 2016 - 1:05

[Ce post n’est pas du tout devenu ce que j’imaginais qu’il deviendrait. Du coup je suis plus sûre que ça colle avec le plan de départ ._. Dis moi si ça te va !]

Quelqu’un frappa dans ses mains pour demander le silence. Les conversations s’éteignirent, et les regards se tournèrent vers Zeus, qui prit la parole d’une voix inutilement théâtrale, trop grave et trop forte, qui se répercuta sur les murs de la salle comme un coup de tonnerre impérieux.
“Mes chers amis, mes chers frères et soeurs, je voudrais vous remercier d’être venus aujourd'hui assister à cette réception…”
Zeus aimait le décorum. A cette époque, la population de l’Olympe ne s'offusquait pas encore lors de ses démonstrations de force. Les dieux ne soupiraient pas encore dans son dos lorsqu’il les gratifiait de l’un de ses discours pompeux. L’olympe était jeune, le palais tout neuf. Chaque évènement se parait de l’attrait de la nouveauté pour ces dieux qui venaient d’accéder au pouvoir. Surtout, Zeus était leur héros. Tous les présents ou presque lui devaient la liberté. Nul ne regrettait Cronos et son règne de terreur, et certains étaient même repartis avec une part, du gâteau. Hadès lui-même applaudit un peu plus que poliment.
“ … Voilà un an que nous avons vaincu les titans, tous ensemble, et c’est une année de prospérité et de paix que nous venons d’achever. Mais croyez moi, les beaux jours sont encore à venir ! Sous mon règne, la justice règnera, les enfants se multiplieront…”

Hadès reporta son attention sur la salle de réception. Un somptueux palais que celui que Zeus avait bâti sur leur ancienne base militaire. Immense, aussi, bien qu’il ne loge pas grand monde si l’on exceptait le personnel. Les vainqueurs de la guerre s’étaient retrouvés en se donnant parfois des accolades chaleureuses d’anciens frères d’armes, parfois un salut protocolaire et respectueux d’un vétéran à un ancien supérieur. Maintenant, ils écoutaient avec enthousiasme l’ancien général et nouveau roi qui profitait de son moment de gloire en lui cédant avec plaisir les salves d’applaudissements et les murmures enthousiastes qu’il avait prévus pour ponctuer son discours. Les déesses s’étaient parées de leurs plus belles soies et pierreries, et leurs collègues masculins avaient fait boucler et briller leurs cheveux. Les servantes profitaient de l’accalmie pour marquer un temps d’arrêt dans le flot ininterrompu de victuailles qu’elles n’avaient cessé d’apporter depuis le début de la fête.

Le jeune seigneur des enfers avait été accueilli à son arrivée par un imperceptible mouvement de surprise de la part de l’assemblée. Durant l’année écoulée, nul ne l’avait vu émerger de son royaume d’ombres, et lui même avait légèrement tiqué en recevant de nouveau le soleil et le vent dans la figure. Les souterrains avaient nécessité un lourd travail d’aménagement et d’organisation. Sans parler des dieux et déesses qui y vivaient, il avait fallu s’assurer que les titans et autres perdants du conflits ne ramperaient jamais jusqu’au dehors ; de quoi le tenir occupé longtemps.
L’olympe faisait un drôle d’effet. Il avait eu, jusqu’alors, peu de temps pour les frivolités. Le monde avait commencé pour Hadès en pleine guerre, et la suite des évènements avait été certes festive mais chargée de travail. Surtout pour lui, en fait ; disons qu’il avait arrêté de faire acte de présence assez tôt lors de la première volée de célébrations qui avait commencé l’année dernière et ne s'était peut-être jamais terminée tout à fait.

L'assemblée n’avait pas laissé ce jeune Hadès, encore souriant (et célibataire) s'inquiéter dans un coin de ce qui se passerait si le mauvais caractère de certains fleuves infernaux provoquait une crue pendant son absence et balayait plusieurs mois de travail, ou si ceux qu’il avait laissés en bas étaient véritablement fiables quand il regardait ailleurs. Tout le monde voulait savoir ce qu’il était advenu des titans, et lui s’était prêté au jeu. Disons qu’il avait quelques talents de conteur, un certain charisme et un sens de l’humour incisif. Assez vite, un petit cercle s'était animé autour de lui, et il était presque parvenu à cesser d’imaginer le pire.

Le discours de Zeus eut pour effet de le ramener à une certaine perplexité. Il avait laissé la surface à ses frères avec plaisir ; cependant, il n'accordait pas une immense confiance au jugement et à l'intégrité de Zeus.  Certes, il lui devait peu ou prou la vie, aucun doute. Au demeurant, il se fichait dans l’absolu de ce qu’il ferait de son royaume.
Malgré tout, il avait parfois la crainte profonde d’avoir cédé l'ascendant à un nouveau despote mégalomane en puissance. Comme en cet instant precis. Cela n'avait pas de réel fondement ; il se dit qu’il était  peut-être simplement trop méfiant.
Disons qu’il ne débordait pas vraiment de confiance à l'égard de qui que ce soit.

Le discours bifurqua sur un éloge à la hauteur morale et l’exemplarité, et Hadès s'éclipsa discrètement vers un balcon. Désert et en retrait, on n’y entendait plus le dieu des dieux que sous la forme d'intonations étouffées. Un choeur de grillons prit l’ambiance sonore en main, tandis qu’une petite brise fraîche parfumée par les jardins s’occupait du reste.

Est-ce que c'était cette effroyable popularité ? Ou bien, cette petite propension à se donner le beau rôle (voire le seul) dans toutes les anecdotes possibles ? Un comportement un peu trop insistant envers la gent féminine, à peine perceptible mais révélateur ? Que serait-il possible de faire, si la situation tournait mal ?

Un léger frisson parcourut Hadès. Il n'avait aucune envie de finir là où il avait bouclé Cronos.


Dernière édition par Hadès le Sam 5 Nov 2016 - 20:45, édité 1 fois
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Partout, le faste régnait. Pierreries, tissus, denrées ; tout s'y mêlait dans un joyeux capharnaüm de couleurs, d'odeurs et de sons. Le palais qu'avait érigé Zeus relevait d'un imaginaire puissant. Jamais sur Terre on n'en avait vu de si grand et de si luxueux. Non... pas d'un imaginaire puissant. D'une démesure incroyable et d'un orgueil écrasant. Poséidon était bien placé pour le savoir. Sa vie parmi les Hommes lui avait fait admirer leurs défauts les plus abjects. Il n'était qu'un adolescent, mais il ne pouvait échapper à l'orgueil, à l'avarice, à la luxure, à la gourmandise, à l'acédie, à la colère, et à l'envie. Les vices rampent dans toutes les rues. Ils pénètrent le cœur des Humains plus facilement que l'eau ne s'engouffre entre des interstices. Et ils leur font faire des folies.
Poséidon s'était imaginé, naïvement, que les Dieux, parce qu'ils surpassaient les Hommes en beaucoup de domaines, s'avéreraient plus vertueux qu'eux. Mais il n'en était rien. Il avait été sot de penser ainsi ; il en était lui-même la preuve - quoi que ses années passées parmi les mortels auraient pu le façonner, tandis que ses compères seraient restés d'une neutralité plus certaine. Les mêmes sentiments les animaient et les guidaient dans leurs actions. Zeus ne faisait qu'étaler sa magnificence et exposer son pouvoir vertigineux, pour mieux écraser les autres.
Il entama son discours, et le Souverain des Océans ne put s'empêcher de songer qu'il baignait dans l'hypocrisie. Il vantait les mérites d'un règne qui avait à peine débuté... Un règne que Poséidon percevait déjà comme celui d'un tyran. Parce qu'il avait sauvé ses pairs, il avait le droit de régner sur eux ? Et lui, ne l'avait-il pas aidé ? Ingrat, va. Pourtant, autour de lui, les autres affichaient des sourires ravis et des regards béats. Il ne se sentait pas à sa place.

A dire vrai, il ne l'avait probablement jamais été, nulle part. Ses yeux se perdirent sur les gravures élaborées des murs. En réalité, ils n'avaient plus leur utilité habituelle : ils se perdaient dans un monde de souvenirs, parfois anciens, parfois récents, mais toujours vifs. Parmi les mortels, il n'était pas assez semblable ; puis, parmi les immortels, il était trop différent. Il oscillait entre les deux peuples comme un marin, ballotté par les flots, qui aurait perdu de vue l'étoile mère.
Il jeta un second coup d’œil aux fêtards richement parés. Aucun n'avait l'air de se poser de questions. Néanmoins, certains regards curieux, interrogateurs, s'étaient arrêtés sur lui. Habituellement, il se mêlait à eux. Il aimait bien se faire voir, mener des conversations, servir des sourires à tout va - l'orgueil devait être de famille. Habituellement... mais, en ce jour, il avait seulement ce goût amer dans le fond de la bouche, et cette sensation d'insipidité à propos de tout. Depuis le matin, la moindre petite chose qui n'allait pas dans son sens l'irritait, puis une lassitude inextinguible l'envahissait. Un sentiment d'agacement profond l'avait saisi dès le levé. Il ne parvenait pas à mettre le doigt sur sa source, ce qui n'en était que plus frustrant. Aussi, son énervement se réveillait à chaque possibilité et s'extériorisait dès que l'occasion se présentait. Il leva une nouvelle fois le regard vers son petit frère, la mine renfrognée, et croisa les bras. Puis, il soupira ; à quoi bon s'énerver ? Et la lassitude et la fadeur retracèrent leur chemin jusqu'à lui.
A quoi bon s'énerver ; à quoi bon s'infliger cela ; à quoi bon rester ? La demeure divine s'avérait gigantesque. D'ici à ce qu'il en eût fini le tour, Zeus aurait achevé de tailler la statue de sa propre gloire, et les autres Dieux seraient probablement déjà retournés à leurs affaires et domaines respectifs. Sans un mot, il s'éclipsa dans l'ombre des colonnades.

Les corridors se succédaient et chacun étalait sa galerie de portes. Poséidon se questionna sur leur légitimité à exister, et conclut qu'elles aussi dénotaient clairement d'une folie des grandeurs. Cette omniprésence de la démesure s'avérait presque pesante. Le plafond, si haut, semblait peser sur les épaules, et les murs paraissaient confiner les corps dans un espace trop étroit.
Le Dieu de l'Océan se laissa guider par ses pensées, le nez en l'air. Il avait encore beaucoup à faire sous les eaux. L'année passée n'avait pas suffit : il n'avait pas tout exploré, parce qu'il était minutieux dans cette tâche. Il voulait apprendre à connaître chaque rocher, chaque algue, chaque courant le mieux possible. Cela requérait de la patience ; et il était prêt à sacrifier de son temps pour découvrir. Les mers regorgeaient de tant de surprises... Il espérait ne jamais avoir à s'ennuyer. L'ennui, c'était mortel. Il venait vous enlacer, une après-midi, sous un chaud soleil d'été, et c'était terminé. Quelle vipère...

Poséidon avait suivi le fil de son esprit, et sa réflexion l'avait entraîné dans les profondeurs de la demeure de Zeus. Lorsqu'il s'en rendit compte, il entreprit de revenir sur ses pas. A nouveau, les corridors et leurs portes. Il reprenait le chemin de la salle de réception. Il espérait que le benjamin avait cessé de discourir sur sa magnificence. Pourtant, il s'arrêta en chemin. Il venait de discerner, accoudée au balcon, une silhouette. Il s'agissait de son autre frère, Hadès, le Dieu des Enfers. Doucement, il s'approcha, pour venir s'appuyer contre la rambarde, à un bon mètre de lui. « Bonsoir, mon frère. » fit-il. Devant eux s'étendaient les jardins, qui fleurissaient en cette saison clémente. Son aîné, en comparaison, paraissait bien morose. Sa mine fermée laissait penser qu'il s'était retiré dans son esprit et réfléchissait. « On s'ennuie déjà des longs discours ? » Un sourire amusé, et moqueur, tira ses lèvres. « Je comprendrais. A répétition, c'est lassant. Et... ça fait combien de fois ? Je ne compte plus. Si seulement il avait l'étoffe d'un orateur... mais il faut croire que notre frère est plutôt du genre à taper sur les autres qu'à discuter avec. C'est assez paradoxal, au final. » Poséidon se retourna pour appuyer son dos contre la rambarde, les deux coudes posés dessus. « Je veux dire que nous sommes sous le joug d'un homme qui a voulu nous délivrer d'un tyran, mais qui se comporte de manière tout aussi despotique. Parce qu'il nous a sauvés, il a le monopole de la parole, des honneurs et du pouvoir... » Il doutait sincèrement de la valeur de cette action. Autorisait-elle son frère à régner seul, sans consulter ses propres semblables ? Il voulait répondre non. D'autant plus qu'il avait cette amertume de n'avoir pas été secouru, d'avoir aidé, et de n'en avoir tiré aucune reconnaissance.

HRP :
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MessageSujet: Re: "- Qui ça, Zeus ? Trêve de balivernes ! Il n'existe même pas, Zeus. " [pv Poséidon] "- Qui ça, Zeus ? Trêve de balivernes ! Il n'existe même pas, Zeus. " [pv Poséidon] Icon_minitime1Lun 28 Nov 2016 - 0:45

Avant de répondre, Hadès jeta un œil par dessus son épaule, vers la fête, de laquelle n'importe qui pouvait venir pointer son nez à tout instant. La désinvolture de Poséïdon, et surtout celle avec laquelle il évoquait les sujets graves à voix haute, n'était pas de nature à le rassurer. Il était à peu près sûr que cette apparente absence de précaution n'était qu'une façade, mais tout de même pas assez sûr pour ne pas vérifier.

« Je suis fatigué, Poséidon. », dit-il calmement, après un bref silence. Les salutations de son frère ne l'avaient pas mené bien loin de ses propres pensées du moment.

« Pas seulement des longs discours sirupeux ; je suis fatigué des conflits, des manœuvres et du pouvoir.  Je suis fatigué des fêtes, des honneurs, des jeunes déesses qui gloussent et de ces petits biscuits au gingembre qu'Héra affectionne  et dont elle a décidé de nous gaver. 
J'aimerais bien qu'on en reste là des complications, si c'était possible. »


Il se retourna, lui aussi, vers les portes de la terrasse, et se hissa pour s'asseoir sur le rebord de la rambarde. Il préférait avoir vue sur l'entrée avant de reprendre, plus bas :

«Ne sautons pas aux conclusions.  Je te rappelle que c'est la paranoïa de Cronos qui nous a menés où nous en sommes. Pour moi, Zeus est tout juste une jeune andouille qui aime bien s'écouter parler.  Il n'a pas vraiment obtenu ce pouvoir par la force ; Cronos lui a accordé le crédit d'une prophétie, les cyclopes lui ont donné la foudre, et nous l'avons empêché de se jeter au combat comme un bélier un peu retardé.  Nous avons formé les plans de bataille les plus importants, nous nous sommes débrouillés pour le convaincre que nos idées étaient les siennes, et nous l'avons laissé s'asseoir sur ce trône comme un symbole qui garantirait la pérennité de notre propre règne. »

Il sembla que le discours arrivait enfin à son terme, puisque des vivats se firent entendre tandis que la musique reprenait.

« Il porte une jolie couronne ; il donne de gentils banquets. Il énonce sans grande finesse ce qu'il prend pour de grandes déclarations. Ce n'est qu'un prince un peu naïf et gentiment prétentieux qui a  remplacé son père sans se poser de question, et sans posséder ni sa prestance, ni son intelligence.
« Nous avons besoin de lui à cet endroit précis. Sans quoi, qui accorderait sa confiance à celui qui s'est laissé avaler sans résister et celui qui a été couvé par les nymphes sans se soucier de rien ?
Il  a beau profiter de son heure de gloire, il n'a pas gagné pour autant le pouvoir absolu.  Il lui faudrait d'abord se débarrasser de nous. Si tu penses vraiment que Zeus nous menace, qu'il sera capable de s'opposer à nos décisions, qu'il ne s'agit pas vraiment d'un dirigeant incapable d'initiative, si tu as des raisons de croire qu'il voudrait nous oblitérer, et qu'il en possède la volonté et la force, je suis prêt à t'entendre, mais je suis sceptique. »


Enfin pas si sceptique. Hadès était, lui aussi, inquiet. Somme toute, il était assez content que Poséidon lui fasse suffisamment confiance pour lui faire part de ses doutes. Autrement, il serait resté là, à ruminer, et se serait demandé s'il n'avait pas affaire à deux problèmes. Un premier frère aux intentions douteuses, et un second frère impulsif, aux intentions d'autant plus mystérieuses qu'elles avaient tendance à changer rapidement. Au moins, voilà qui était réglé : ils pouvaient faire équipe.
Poséidon n'était pas un partenaire de second choix quand il s'agissait de mener une petite opération sympathique, il avait eu plusieurs fois l'occasion de le prouver.

« Nous pourrions rester là à en discuter, mais je pense que l'on peut tirer l'affaire au clair plus rapidement. Après tout tout le monde est là ; les conditions sont idéales pour pratiquer une petite expérience. »

Il esquissa un petit sourire qui ne trompait pas.

Mettons-le à l'épreuve ! Provoquons une crise, et voyons ce qui se produit. Même si nous n'aboutissons à rien, cela aura au moins le mérite d'interrompre cette horrible réception. »

A condition, cela allait sans dire, de ne pas se faire attraper, sans quoi le résultat serait potentiellement déplaisant.  

Spoiler:
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Il le laissa parler. Il le laissa parler ; et il l'écouta, avec attention. Hadès était loin d'être un idiot, et Poséidon en avait bien conscience. S'il avait été moins fier, peut-être même aurait-il admis que son frère était plus intelligent que lui, ou, du moins, que sa patience conférait à ses paroles et à ses actions plus de portée, sans doute, que les remarques et les coups impulsifs de son cadet.
Mais voilà, le jeune Dieu avait déjà fait corps avec l'Océan, et il était trop tard, désormais, pour faire marche arrière. Il resterait toujours imprévisible, secret, emporté.

Nous... Aux oreilles de Poséidon, le pronom sonnait faux. Ce n'était pas Zeus contre eux, pas même Zeus avec eux, mais simplement Zeus et le reste. Il y avait ceux qui adulaient alors qu'ils auraient dû êtres adorés, ceux qui acceptaient faute de mieux ou faute de pire, et enfin ceux qui s'inquiétaient de l'avenir. Et il y avait lui, celui qui ruminait le passé et remâchait sa gloire oubliée, livrée à l'un des coins poussiéreux de l'esprit de chacun.
Au-dessus de tout ça, Zeus, à qui rien n'importait sinon lui-même et ses petits plaisirs mesquins. Alors, quoi qu'il pût parfaitement la comprendre, il ne partageait pas la vision d'Hadès. Il n'avait rien demandé de tout cela, il n'avait rien prévu ainsi, et il lui semblait que tout, d'un coup, était tombé sur ses épaules, comme un nouveau fardeau à porter. Tais-toi et obéis... mais surveille. Il surveillait. Vaillant pilier, il attendait les faux pas pour les rattraper et, une fois, une fois seulement, lorsque le temps serait venu, il s'écroulerait pour rouler en centaine de pierres affairées, tandis que Zeus chuterait. Mais ce n'était pas pour maintenant, et il le savait, il se raisonnait avec cette idée : le monde était encore trop précaire. Parfois, il pouvait attendre, et pour cela, il le devait. Pour cela, il fallait se montrer comme la mer qui lèche la falaise : l'érosion est lente et fastidieuse mais, à force de patience et d'acharnement, elle paie. La terre surplombante s'écroule, sans rien avoir vu venir.

Les applaudissements et les cris résonnèrent dans l'air frais de la nuit, avant de s'estomper pour laisser place à une nouvelle musique qui vint enchanter les étoiles. A ce son, il se redressa légèrement. Il les imaginait, tous, danser, rire, jouer, loin des considérations des deux aînés. De temps à autre, il se disait qu'il aurait dû agir de même ; envoyer valser ses idées sombres et se joindre à la fête pour toujours.
Mais il n'y parvenait pas, jamais, parce que sa rancune était trop tenace. Fichu vice.
Et puis, les vagues lui chantaient des airs de liberté qui le fascinaient.

Hadès reprit son discours, et lui détourna le regard. Il observait les jardins, à sa droite. Les fleurs qui prospéraient, les quelques insectes nocturnes qui gravitaient, la lune qui jouait de ses reflets.
Non, il ne ressemblait pas à leur père pour l'intelligence ou la prestance, certes, mais Poséidon lui retrouvait la même tyrannie, la même envie de gouverner, la même envie de s'imposer. Elle n'était pas aussi virulente - il fallait croire que c'était lui, peut-être, qui avait pris la part de la violence -, mais elle était présente, et cela suffisait à l'agacer. Avaient-ils réellement besoin de lui ? A deux, ou à trois, ils valaient mieux que lui seul, non ?
Il tiqua en fronçant le nez et les sourcils lorsque son frère évoqua leur jeunesse, et retint de justesse une remarque cinglante. Comment aurait-il pu se soucier de quoi que ce fût, alors que tout lui était caché ? Comment agir contre quelque chose dont on ne sait rien ? Tout cela, il le devait à Kapheira... Inutile de préciser qu'il lui en voulait encore : il lui en voudrait probablement toute sa vie. Il se sentait trahi au plus profond de lui-même ; et la culpabilité l'avait rongé, le rongeait peut-être encore, de n'avoir pas défendu plus tôt cette famille qu'il découvrait.

Sceptique. Un fin sourire tordit ses lèvres, tandis qu'il pivotait un peu plus vers Hadès. « Sceptique ? » répéta-t-il. « Je te trouve pourtant fort convaincant lorsqu'il s'agit de dépeindre les travers de notre frère... » Pas qu'eux n'en eussent aucun, loin de là. Cependant, Poséidon pensait vraiment qu'à eux trois, ils sauraient se compenser les uns les autres, apporter raison et tempérance aux grandes envolées discursives. Ce n'était pas qu'une histoire puérile de jalousie, c'était aussi une affaire de prospérité politique. Évincer Zeus ne le gênait aucunement, mais il constatait que tout effort en ce sens serait vain : il fallait commencer doucement. « Et qu'est-ce qui l'empêche de nous assujettir plus que nous ne le sommes déjà ? Tu vantes un nous, mais c'est de lui qu'il faut parler. Nous l'avons laissé faire ? Il n'a jamais refusé quoi que ce soit qui touche au pouvoir. Jamais. Toujours "oui", parfois presque avec empressement. » Il s'arrêta avant de préciser : « Je ne le blâme pas pour ça. Au-delà du poids qu'il représente, le pouvoir a des aspects attrayants. Non, ma critique se porte plutôt sur un avenir qui me semble trop certain. » Et qui l'effrayait un petit peu, un petit peu trop. Il n'avait pas aussi bien connu le règne de leur père qu'Hadès, Déméter ou les autres, mais l'idée qu'il s'en était faite lui suffisait. « Il se laisse aller. Ne vois-tu pas ? Le laisser aller, le petit confort qu'on trouve dans chaque chose qu'on nous accorde, le fait de ne plus pouvoir ou vouloir s'en passer... c'est le début de la tyrannie. Il n'est pas trop tard pour le retour sur un droit chemin mais... » La fin de sa phrase se perdit dans la brise.

Hadès ne lui répondit pas tout de suite. Il y eut un vague silence, emprunt des deux côtés d'une réflexion certaine. Puis, le seigneur des Enfers proposa une alternative aux belles paroles. Poséidon arqua un sourcil. Une épreuve ? Une crise ? « A quoi penses-tu ? » souffla le Dieu des Océans, les yeux plissés. Pourtant, déjà, ses lèvres s'ornaient d'un sourire. Il avait toujours eu l'esprit joueur, et quelque chose lui disait qu'il y avait là matière à s'amuser...
De toute manière, rien ne pouvait être plus ennuyeux que cette morne réception qu'on s'évertuait à rehausser de toutes les teintes du monde pour lui donner un aspect plus attrayant.
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